Intervention de Muriel Ressiguier

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 17h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Ressiguier :

Le budget de la mission Recherche et enseignement supérieur, qui s'élèvera l'an prochain à 29,24 milliards d'euros, n'est pas à la hauteur malgré vos effets d'annonce.

Dans le cadre de la dynamique prévue par la LPR au détriment des crédits récurrents, le principe d'appel à projets sera renforcé à travers l'action 02 du programme 172 : le budget de l'ANR sera en hausse de 17,44 % et atteindra 884,35 millions d'euros. Le financement de la recherche par appel à projets est coûteux en temps pour les chercheurs, il accroît la compétition entre eux et entre les établissements, et il limite les thématiques scientifiques ainsi que la liberté des chercheurs.

Conformément à votre credo selon lequel la compétitivité à outrance, le sous-financement et la précarité stimulent la recherche, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) verra son plafond d'emplois baisser de 128 ETPT (équivalents temps plein travaillé), après la baisse de 41 ETPT prévue l'année dernière. En même temps, le nombre d'emplois hors plafond explose, avec 995 ETPT de plus, après la précédente augmentation de 485 ETPT, ce qui laisse le champ ouvert à la précarité des chercheurs, aux CDI de mission et aux chaires de professeurs juniors.

Que dire également du CIR (crédit d'impôt recherche) ? Cette niche fiscale offerte aux entreprises représentera 7,43 milliards d'euros en 2022, soit un quart du budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, alors qu'elle n'a jamais prouvé son efficacité. C'est à peine moins que l'ensemble des crédits alloués au programme 172, dont le budget, de 7,48 milliards d'euros, sert notamment à financer le CNRS, l'INSERM et l'INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement).

Pour ce qui est de l'enseignement supérieur, vous annoncez fièrement une augmentation de 1,48 % du programme 150, dédié à la dotation des universités, qui atteindra 14,21 milliards d'euros. Or ce budget, une fois de plus, ne prend pas en compte les besoins réels des universités, ni l'augmentation du nombre d'étudiants. Cette augmentation, de 59 400 étudiants à la rentrée 2021, crée un manque de places et une baisse de la dotation par étudiant. Au lieu de mieux doter les universités, vous continuez la sélection par l'intermédiaire de Parcoursup et à l'entrée des masters. Ce sous-investissement chronique a pour conséquence d'orienter les étudiants vers les établissements privés. Ainsi, depuis 1998, les inscriptions dans le privé ont doublé, tandis qu'elles n'ont augmenté que de 17 % dans le public.

Par ailleurs, la précarité des étudiants explose. Malgré leur situation très critique, le budget pour 2022 marque la fin de l'éphémère « quoi qu'il en coûte ». Vous avez stoppé les aides exceptionnelles, comme le repas à 1 euro pour les étudiants non boursiers, et les bourses ne sont revalorisées que de 1 %, alors que l'inflation est estimée à 1,8 %. Les CROUS, qui sont des acteurs essentiels de la vie étudiante, ont joué un rôle crucial pendant la crise sanitaire, notamment par leur action sociale. Or, leurs personnels sont actuellement en grève pour dénoncer les conditions de travail, qui se détériorent, et un manque de moyens humains et financiers. Le Gouvernement devrait investir massivement dans les CROUS, mais il ne le fait pas.

Ce budget reflète bien votre vision de l'enseignement supérieur et de la recherche : sélection, compétition, employabilité, marchandisation du savoir, désengagement de l'État, privatisation et vision à court terme. Notre approche est axée sur l'émancipation, sur l'égalité des chances effective et sur une vision à moyen et à long terme de la recherche. C'est pourquoi nous voterons contre les crédits alloués à la mission Recherche et enseignement supérieur.

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