Intervention de Constance Le Grip

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaConstance Le Grip, rapporteure pour avis :

Le budget de la mission Culture pour 2022 sera à nouveau un budget de crise. En effet, si la réouverture des lieux culturels nous a réjouis et a permis aux Français de retrouver avec bonheur le chemin des musées, des théâtres, des monuments, des salles de concert, le retour à la normale n'aura pas lieu. La fréquentation touristique internationale est encore en berne, ce qui a des conséquences importantes pour Versailles, le Louvre ou le musée d'Orsay. La reprise est lente, également, pour le spectacle vivant. Les habitudes de sortie n'ont pas encore été retrouvées. L'absence de tournées internationales et la persistance de jauges limitent l'activité.

Les crédits de la mission Culture sont élevés : 3,5 milliards d'euros, en hausse de plus de 200 millions par rapport à 2021, auxquels s'ajoutent les crédits du plan de relance, à hauteur de 350 millions en crédits de paiement. Ces montants sont à la hauteur des menaces et des défis auxquels font face les différents secteurs de la culture. L'État est au rendez-vous, aussi bien pour soutenir le spectacle vivant public et privé, les artistes, les créateurs, que pour soutenir les monuments et les institutions les plus emblématiques de notre culture.

Je remercie les différents services du ministère de la culture et les opérateurs qui ont répondu à temps à la totalité du questionnaire budgétaire ainsi qu'à mes demandes complémentaires à la suite des auditions.

Le programme Patrimoines, qui s'élève à plus d'1 milliard, permet de soutenir, conjointement avec les crédits du plan de relance, les musées, les monuments historiques, l'architecture et le patrimoine des villes et villages.

Un effort particulier est consenti pour l'entretien et la restauration des monuments historiques qui appartiennent aux communes et aux propriétaires privés. En plus des crédits habituels répartis par les DRAC, le plan de relance a prévu 40 millions d'euros sur deux ans. Cependant, il ne suffit pas de voter les crédits, le plus difficile étant de les consommer. Les DRAC ont pris soin d'orienter les crédits dès le départ vers des projets déjà prêts, sur le plan architectural comme financier, mais il restera des crédits non consommés en fin d'année 2021 : pourront-ils être reportés en 2022 ?

Le programme Patrimoines finance également des projets emblématiques, comme la restauration du château de Villers-Cotterêts et du Grand Palais. J'ai visité le chantier de Villers-Cotterêts et j'ai été très intéressée à la fois par le chantier et par le projet de Cité internationale de la langue française. Cependant, ce projet ne sera pas rentable et il faudra compter sur la péréquation entre monuments nationaux pour soutenir ce centre culturel qui a vocation à revitaliser le sud du département de l'Aisne.

Le programme Création permet de soutenir le spectacle vivant et les arts visuels. De nombreux dispositifs d'urgence et de soutien ont été mis en place durant la crise par les opérateurs sectoriels : le CNM, l'Association de soutien au théâtre privé et le Centre national des arts plastiques (CNAP), à destination des entrepreneurs du spectacle et des artistes‑auteurs. Grâce à cela, aucune faillite n'a été déplorée dans ces secteurs. Le jeune CNM a été extrêmement réactif lors de la crise.

Cependant, nous devons rester vigilants car l'année 2022 pourrait être celle de tous les dangers pour des entreprises et des artistes fragilisés. Or la plupart des crédits de paiement du plan de relance ont été inscrits sur 2021. L'octroi des aides du CNM doit respecter certaines formes et tous les crédits ne seront pas consommés d'ici à la fin de l'année. Pourront-ils être reportés en 2022 ?

Côté opérateurs, l'Opéra de Paris reçoit un soutien très important mais il connaît une situation financière fortement dégradée, aggravée par la crise sanitaire et par d'autres facteurs, dont les mouvements sociaux qui l'ont précédée. Le projet d'aménagement de la salle modulable est abandonné ou reporté, ce qui paraît raisonnable au regard du contexte. Il faudrait d'abord retrouver le taux de fréquentation antérieur et assainir la situation financière. M. Tardieu et M. Hirsch vous ont remis un rapport, madame la ministre : comment l'Opéra de Paris pourrait-il retrouver une trajectoire vers l'équilibre ?

Pour soutenir la création, les artistes et les auteurs, le plan de relance finance un plan de commande publique dans tous les domaines artistiques, de la composition musicale aux arts visuels, en passant par l'écriture. L'appel à projet était ouvert jusqu'au 22 août 2021. À l'issue d'une première sélection, chaque artiste a reçu une bourse d'étude forfaitaire pouvant atteindre 10 000 euros pour affiner son projet. Qui choisira les lauréats ?

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture augmentent de manière importante mais cette hausse est presque entièrement dédiée au Pass Culture auquel sont consacrés 199 millions d'euros, dont 140 millions de moyens nouveaux. J'étais, au départ, très sceptique à l'égard du Pass Culture dont l'approche me semblait trop consumériste, mais je reconnais qu'il a été amélioré au fil des expérimentations et que le projet actuel est plus complet et mieux structuré, dans la mesure où il prépare les élèves dès la quatrième.

Cependant, je m'interroge sur la pertinence de consacrer autant de moyens à la tranche d'âge des collégiens, lycéens et jeunes adultes. Le contact avec la culture devrait commencer dès le plus jeune âge. Que fait-on concrètement avec les 24 millions d'euros de l'EAC en temps scolaire ? Connaît-on leur répartition par académie ou par discipline artistique ? Je déplore la dispersion des crédits de l'éducation artistique et culturelle.

Enfin, s'agissant du programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture, j'émets une petite interrogation sur les moyens consacrés aux DRAC. L'audit flash de la Cour des comptes sur les aides déployées pendant la crise dans le secteur culturel a souligné l'engorgement des DRAC, qui nous a été confirmé par des acteurs du secteur patrimonial. Des processus d'amélioration du fonctionnement sont-ils à l'étude ? Y aura-t-il des recrutements pour compenser, dans certaines régions, les réelles surcharges de travail ?

Sous ces réserves, je donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Culture. Ce budget, certes élevé, est à la mesure de l'ampleur de la crise que traverse le secteur culturel. Les effets des fermetures et des confinements successifs se feront sentir encore longtemps. L'exception culturelle française, c'est cela : une puissance publique qui se mobilise pour soutenir les créateurs.

En tant que députée de l'opposition, je me dois néanmoins de souligner que cette forte augmentation des crédits est financée par de la dette. Les choses étant ce qu'elles sont, c'est toutefois avec beaucoup de sincérité que je vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Culture.

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