Intervention de Michel Larive

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Dès la phase d'expérimentation, le Pass Culture était un échec : seulement 100 euros sur les 500 offerts ont été utilisés, principalement pour des livres scolaires et sur la plateforme musicale Deezer. Dans un article de Mediapart, le président de l'Association française des cinémas d'art et d'essai dresse le même constat : ce pass est une vision purement consumériste de la culture ! Pourtant, vous avez généralisé ce dispositif dès le 20 mai dernier, malgré son bilan pour le moins controversé.

Le bleu budgétaire le présente comme le point d'orgue d'un budget tourné vers la jeunesse, dans une démarche d'éducation artistique et culturelle : 53,9 % des sommes allouées à l'action Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle sont captées par le Pass Culture, dont le budget est désormais de 199 millions d'euros, en augmentation de 140 millions depuis le PLF 2021.

Dans sa version généralisée à tous les jeunes de plus de 18 ans, le Pass Culture s'élève à 300 euros. Sans surprise, après les mangas, ce sont les livres inscrits au programme des classes préparatoires aux grandes écoles qui arrivent en tête des ventes – une preuve supplémentaire que la médiation culturelle ne peut pas être réduite à un simple catalogue d'activité ou de produits culturels. Un accompagnement, une médiation sont nécessaires. Sans cela, les jeunes reproduisent logiquement les habitudes de leur milieu social.

Le Pass Culture sera également décliné à partir de la classe de quatrième dès 2022. Tous les élèves bénéficieront, dans un cadre collectif, sous la responsabilité de leur enseignant, de sorties ou activités culturelles, pour un montant de 25 euros par élève. À partir de la classe de seconde, chaque jeune se verra remettre un crédit de 30 euros. Ce budget de 38 millions d'euros devrait plutôt être alloué aux nombreux projets culturels et artistiques proposés par les enseignants dans le cadre scolaire, mais abandonnés faute de moyens.

Le seul intérêt du Pass Culture est de valider une promesse électorale du candidat Macron. Une journaliste de France Culture a proposé de faire l'autopsie de cette fausse bonne idée dans son émission du 7 novembre 2019 : elle évoque une mesure électorale qu'il serait plus que temps de débrancher puisque les principaux intéressés ne savent pas quoi en faire. Un tel acharnement à maintenir ce dispositif, défectueux et mercantile, pénalise les créateurs. Cinq ans après votre arrivée au pouvoir, les artistes-auteurs sont toujours les grands oubliés du Gouvernement et de la majorité. Ils ne bénéficient toujours pas d'un statut et d'une protection sociale, comme les autres travailleurs cotisants ; ils n'ont toujours pas de représentants élus au sein du conseil d'administration de l'organisme de gestion de la sécurité sociale des artistes‑auteurs ; le conseil national des artistes-auteurs a même disparu depuis le projet de loi de finances de l'an passé.

Durant cette législature, le groupe La France insoumise aura été le seul défenseur des artistes-auteurs : nous leur avons consacré quatre propositions de loi dont deux examinés au cours de nos niches parlementaires. Elles visaient l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail, le fonds de soutien à la création artistique, le centre national des artistes-auteurs ou le domaine public commun. Vous les avez toutes rejetées. Il est pourtant temps de reconnaître aux serviteurs de la culture une place essentielle dans la société. Mais vous ne regardez la culture qu'à travers le prisme de la consommation, vous ne l'évaluez qu'à l'aune des flux financiers qu'elle génère.

En opposition au Pass Culture, pour soutenir nos créatrices et créateurs et face à un nouveau budget inconséquent, nous voterons contre les crédits de la mission.

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