Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 18h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roselyne Bachelot, ministre :

La molle fréquentation des spectacles vivants, des cinémas et des musées est-elle conjoncturelle ou structurelle ? Bien malin celui qui répondra à cette question. Sans doute est-ce les deux à la fois. À l'évidence, la crise a accéléré des évolutions à venir : nous allons encaisser en deux ans ce qui l'aurait été en dix.

Cette baisse de la fréquentation doit être également appréciée en fonction des critères retenus. Pour le cinéma, elle est importante par rapport à 2019 – année exceptionnelle suite à la sortie du film Joker – mais, par rapport à 2018, elle est moindre. Il est vrai que les opérateurs se réfèrent aux chiffres les plus propices à la perception des aides !

S'agissant du spectacle vivant, 75 000 spectateurs ont été accueillis à la mi-octobre, ce qui représente une baisse de 15 % par rapport à 2019 mais la situation est contrastée : les taux de fréquentation de la Grande halle de La Villette sont proches de 2019 alors qu'ils ont chuté de 29 % à l'Opéra national de Paris (ONP), étant entendu que les différences de fréquentation y sont considérables selon les spectacles proposés.

De plus, les consommateurs privilégiant les achats tardifs, les opérateurs manquent de visibilité. En début de saison à l'Opéra de Paris, traditionnellement, 45 % des places ou des abonnements sont pris ; cette année, le volume est de 25 % seulement.

De la même manière, les spectateurs achètent moins de places de première catégorie, ce qui soulève également des problèmes pour les gestionnaires de salles. Là encore, ces phénomènes perdureront-ils ? Je laisse à chacun le soin d'émettre des hypothèses. Seul l'avenir nous dira ce qu'il en sera.

La fréquentation des musées et des monuments nationaux a spectaculairement diminué, de 72 %, en raison de la fermeture de six mois mais, une fois encore, la situation est très hétérogène. Le fléchissement est plus important à Paris et en Île-de-France du fait de la baisse de la fréquentation étrangère – moins 72 % pour le Louvre, moins 76,5 % pour le musée d'Orsay, moins 82 % pour le musée Picasso, moins 75 % pour le château de Versailles – mais bien moindre en province.

Outre le reflux des visiteurs étrangers, nous constatons un retour des jeunes et une augmentation des gratuités.

Les prévisions de fréquentation, pour 2021, sont moindres que celles de 2020 et se situent autour de moins 78 % par rapport à 2019. Le passe sanitaire n'est pour rien dans cette situation : les Français l'ont très bien accepté. À juste titre, les opérateurs de structures et les directeurs avaient des craintes mais tous ceux qui fréquentent les lieux de culture ont pu constater que tout se passe bien. Pour 2022, nous attentons une amélioration puisque la fréquentation des musées et des monuments nationaux devrait être de moins 50 % par rapport à 2019, de moins 35 % en 2023 et de moins 20 % en 2024. Cela implique de poursuivre nos efforts, même si nous sommes en train de sortir de la crise sanitaire.

Les crédits déconcentrés du programme 175 Patrimoines s'élèvent à 340 millions en AE et 329 millions en CP. Nous voulons soutenir l'attractivité et le développement économique des territoires, accompagner les investissements des collectivités territoriales et contribuer à la revitalisation des centres-villes. Avec ces nouveaux moyens, nous assurerons la montée en charge du Fonds incitatif et partenarial, le relèvement du financement du label Villes et pays d'art et d'histoire et le renforcement du plan de mise en sécurité des cathédrales.

Les moyens obtenus en 2021 au titre du plan de soutien en faveur des musées territoriaux, des archives territoriales et de l'archéologie préventive sont par ailleurs confirmés.

Dans le cadre du plan de relance, 280 millions d'euros bénéficient aux territoires, dont 160 millions pour soutenir l'investissement en matière de monuments historiques et les équipements patrimoniaux en région. J'ajoute que 137 opérations seront lancées d'ici à la fin de 2022. Je me tiens à votre disposition pour vous fournir toutes les indications complémentaires.

Je connais les inquiétudes récurrentes à propos de l'exécution des crédits consacrés aux monuments historiques, notamment pour ceux qui n'appartiennent pas à l'État. Nous avons beaucoup œuvré pour en identifier les freins, notamment grâce à la mission flash menée par votre commission en 2018, afin d'améliorer le niveau effectif des dépenses. La consommation des crédits n'a cessé, depuis, d'augmenter : plus 62 millions par rapport à 2017. Pour cette année, je vous confirme que cette consommation est très dynamique, pour les crédits ordinaires comme pour les crédits relance. Nous n'avons aucune inquiétude.

La restauration et l'aménagement du château de Villers-Cotterêts sont magnifiques. L'atout patrimonial sera considérable, mais l'atout territorial également : nous savons à quel point un monument de prestige et un équipement important valorisent un territoire et redonnent de l'estime de soi à ses habitants. Outre la restauration du logis royal et de la Cour du jeu de paume, qui accueilleront le parcours de visite et le projet culturel, l'accélération du chantier autorisé par les crédits relance permettra de restaurer le clos et le couvert des communs et d'aménager le jardin. Cette revalorisation de l'ensemble du site constitue un préalable indispensable pour inciter les porteurs de projets à investir le lieu.

Hier soir, j'ai participé à Saint-Denis-de-La-Réunion aux états généraux du multilinguisme. J'en profite pour vous dire que la Cité internationale de la langue française fera toute sa part aux langues régionales de France.

J'ai confié à Christophe Tardieu et Georges-François Hirsch une mission consacrée à l'état des lieux de l'Opéra de Paris et aux perspectives à long terme. Les préconisations de leur rapport ont porté sur la refonte du modèle artistique et social de l'établissement ainsi que sur le renforcement des investissements afin de tenir compte des besoins des deux sites. La mission s'est interrogée dans son rapport sur la pertinence du projet de salle modulable. Suite aux échanges fructueux avec les dirigeants de l'établissement, nous sommes convenus de l'abandonner. Compte tenu des besoins de l'Opéra de Paris pour faire fonctionner ses deux sites et remédier à une situation financière très dégradée, ce projet n'est pas prioritaire.

Au début du mois de juillet, j'ai demandé à Alexander Neef, directeur de l'Opéra de Paris, d'engager avec le conseil d'administration et les tutelles, en étroite concertation avec les représentants du personnel, la réforme du modèle artistique, économique et social de l'ONP. Il s'agit de développer un nouveau projet stratégique en donnant à l'établissement de la visibilité sur ses conditions de développement afin d'être à même de pouvoir défendre un projet artistique à la fois ambitieux et financièrement soutenable. Il s'articulera autour des priorités suivantes : faire évoluer la politique et les méthodes de programmation artistique ainsi que la planification afin de mieux maîtriser les coûts de production et la masse salariale variable ; redéfinir l'organisation des services et les règles de fonctionnement afin de pouvoir réduire le niveau des charges fixes ; retrouver progressivement le niveau des recettes – billetterie, mécénat, concessions – et revenir à un budget équilibré en 2024.

En contrepartie de ces efforts, l'État continuera de soutenir cet établissement – vaisseau amiral de la culture française et formidable produit d'appel dans le monde – à travers un accompagnement financier de 25 millions d'euros prévu dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année, afin de reconstituer sa trésorerie. Le maintien des crédits d'abord consacrés au projet de salle modulable – 30 millions sont déjà acquis et 20 millions étaient prévus en 2022 – est acté pour le réinvestissement et la transformation de l'établissement. Le niveau de l'accompagnement dans la durée de ses moyens de fonctionnement et d'investissement sera examiné à l'aune des efforts réalisés. En 2022, la subvention de fonctionnement augmentera de 900 000 euros, pour un total de 98,15 millions – son montant, qui avait baissé entre 2012 et 2016, était resté inchangé depuis. La subvention d'investissement augmentera, quant à elle, de 3,5 millions. L'établissement travaille cet automne à ce nouveau projet stratégique et à une trajectoire pluriannuelle, qui doivent faire l'objet d'une validation par la tutelle avant la fin de l'année.

J'entends souvent formuler le reproche selon lequel on donne tout à l'Opéra de Paris et rien à ceux de province. Nous soutenons la plupart des maisons d'opéra en région. Toutefois, il s'agit d'un réseau fortement diversifié, au sein duquel les statuts juridiques ainsi que les moyens humains, techniques et budgétaires sont très différents. Caroline Sonrier m'a remis son rapport le 5 octobre dernier. Il dresse un état des lieux totalement inédit, dépeint un secteur lyrique très divers et ouvre des perspectives pour renforcer la politique de l'État. Sur cette base, nous avons défini cinq axes de réflexion : l'instauration d'un dispositif permanent d'observation du monde lyrique ; l'accompagnement de la carrière des artistes ; l'ouverture et l'accessibilité de l'art lyrique au plus grand nombre ; le développement du soutien à la création ; la définition d'objectifs partagés en faveur de la diversité, de la lutte contre les discriminations, et de l'égalité entre les femmes et les hommes. Outre ces pistes de travail concrètes, nous étudions une simplification du système de labellisation du ministère de la culture – qui comprend cinq niveaux pour vingt-neuf opéras – en vue de rendre plus lisible et plus cohérente la politique lyrique de l'État.

Dans le cadre du programme Mondes nouveaux une commande publique a été passée pour un montant de 30 millions – c'est dire si nous ne faisons rien pour les artistes-auteurs ! Le programme est organisé en trois phases : sélection des dossiers ; étude de faisabilité des projets ; production et présentation. La sélection des dossiers est construite avec des experts issus de multiples horizons, sans clivage entre disciplines artistiques, afin de dresser un portrait du temps et de ses attentes. Les experts qui composent le comité artistique, présidé par Bernard Blistène, sont Ronan de Calan, Lucie Campos, Julien Creuzet, Rebecca Lamarche‑Vadel, Bruno Messina, Caroline Naphegyi, Chloé Siganos et Noé Soulier. Tous les membres de ce comité strictement paritaire sont bien connus dans le monde artistique. Ce programme offre aux créateurs et aux créatrices une première bourse de recherche pour financer la construction de leur projet, avant d'en engager la production et la présentation au public.

J'en viens au Pass Culture, sur lequel vous avez été nombreux à m'interroger. Je fais de nombreux déplacements, dans tous les territoires. Je rencontre des jeunes, des profs et des artistes. Tous me disent leur extraordinaire satisfaction et plébiscitent le Pass Culture. C'est véritablement touchant ! Il y avait des inquiétudes et des interrogations. Moi-même, je faisais partie des gens qui en avaient. Nous avons réfléchi, notamment grâce à vous et à vos interrogations. Je remercie Constance Le Grip d'avoir dit que nous avons solidifié le système et que nous l'avons étendu. Nous avons introduit des garde-fous en matière de consommation d'objets numériques et de montée en puissance tout au long de la vie scolaire et étudiante de ses bénéficiaires. Mais n'oublions pas que la culture, à un moment donné, suppose un acte individuel de choix. C'est pourquoi le Pass Culture n'est plus sous le contrôle total d'une médiation, pour libérer ce qui est une démarche d'émancipation et d'autonomie.

J'entends parfois dire qu'il aurait fallu donner l'argent à tel ou tel, aux intermittents ou aux structures. Depuis soixante ans, la culture, dans ce pays, est un dialogue entre la puissance publique et les artistes. À un moment donné, il faut s'interroger : que veulent les spectateurs ? Que décident-ils ? Et les jeunes, que décident-ils ? Il faut en sortir ! Le Pass Culture est une politique d'émancipation et d'autonomie.

J'aime à raconter cette anecdote, qui fera peut-être comprendre pourquoi je parle avec passion. Ma grand-mère était analphabète. Quand ma mère a eu son diplôme, elle n'a pas osé entrer dans l'amphithéâtre de la faculté de médecine de Paris où avait lieu la cérémonie, estimant qu'elle n'y avait pas sa place. Lorsqu'elle a retrouvé sa fille sur le trottoir, elle lui a dit : « Tout ça, ma petite fille, c'est bien beau, mais il va falloir que tu plaises pour avoir des clients ! » La culture doit plaire, accueillir le public et offrir des spectacles. Il ne s'agit pas de faire de la démagogie ou de la sous-culture, ce à quoi je suis absolument opposée, mais d'encourager l'autonomie et l'émancipation.

Nous suivons cette politique avec beaucoup de soin. Sur une classe d'âge de 850 000 personnes, 780 000 se sont connectées au Pass Culture, et ce chiffre augmente chaque jour. C'est un triomphe, un succès incroyable !

Certes, il faudra diversifier les politiques culturelles. Je crois beaucoup aux communautés de jeunes. Le Pass Culture doit aussi favoriser le dialogue entre soi, un jeune disant par exemple à un autre « J'ai adoré l'opéra, ce n'est pas du tout ce que tu crois, allons-y ensemble ! ». Je crois aussi à son utilité dans les librairies. On a beaucoup critiqué l'achat de mangas : et alors ? On lit, avec des mangas ! Tous les libraires disent qu'ils proposent à cette occasion d'autres livres, que souvent les gens achètent. J'ai même entendu le responsable de la CGT-Spectacle prétendre qu'il est possible de s'abonner à Netflix avec le Pass Culture ! Il faut cesser de dire des bêtises ! C'est insupportable !

Les acteurs de la culture doivent aussi s'inscrire sur la plateforme du Pass Culture. Les places achetées avec alimentent le monde de la culture. L'argent n'est pas soustrait au monde de la culture, il est réinjecté dans le circuit. Le Pass Culture a une légitimité qui transcende nos divergences politiques : certains en ont rêvé, nous l'avons fait. Si vous aviez vu les jeunes qui ont assisté au festival Électropicales de La Réunion grâce au Pass Culture ! Il s'agissait de jeunes des quartiers en difficulté de Saint-Denis de La Réunion, pas de petits‑bourgeois friqués, je vous le garantis !

Le budget de l'EAC a doublé pendant le quinquennat. La question de la responsabilité dont elle relève n'est pas tranchée. Pour moi, nous venons en appui d'une politique principalement menée par l'éducation nationale. Notre objectif est de la généraliser à tous les enfants, sur tout leur temps de vie. En dépit des conditions défavorables dues à la crise sanitaire, 65 % des élèves des écoles et des collèges ont bénéficié d'actions relevant de l'EAC au cours de la dernière année scolaire. C'est un beau succès, me semble-t-il, compte tenu du contexte que nous connaissions, même si nous n'avons pas atteint l'objectif de 80 % d'une classe d'âge que nous nous étions fixé. Il faudra atteindre l'objectif de 100 %, ce pour quoi le Pass Culture sera un outil utile.

Par ailleurs, j'ai présidé avec Sophie Cluzel la commission nationale Culture et Handicap (CNCH). Je tiens beaucoup à ce que les élèves handicapés puissent bénéficier du Pass Culture. J'ai d'ailleurs rappelé, lors d'une visite dans une structure de l'association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) de La Réunion, qu'il n'y a aucune raison d'en évincer les jeunes handicapés. Il faudra être très vigilant sur ce point. Il ne manquerait plus que ça, à l'heure où nous parlons des publics empêchés ou éloignés de la culture !

Sur les DRAC, je partage votre avis, Constance Le Grip. Elles ont joué un rôle stratégique tout au long de la crise. Elles incarnent l'État sur le terrain, au plus près des besoins des secteurs et des Français. J'ai veillé à y préserver l'emploi. Dès cette année, j'ai dégagé des moyens supplémentaires pour des vacations, afin de les soutenir. Dans le cadre de France relance, des crédits de 1,7 million d'euros ont été déployés, ce qui correspond à la totalité des besoins recensés. Par ailleurs, nous avons consenti un effort considérable pour leur équipement informatique, en tirant les leçons des difficultés révélées par le télétravail imposé au personnel. Nous avons investi 7 millions d'euros cette année et investirons 4,5 millions l'an prochain.

Dominique David m'a interrogée sur le 1 % artistique. Ce dispositif de soutien, indispensable aux arts visuels depuis 1951, doit être, à l'heure où nous relançons l'obligation de décoration des constructions publiques, un instrument pérenne et structurant de soutien aux artistes. Le nombre de projets engagés a diminué au cours des dernières années. Le ministère publiera prochainement une circulaire adressée aux préfets leur rappelant cette obligation inscrite depuis 2019 au code de la commande publique et les modalités de sa mise en œuvre. Le texte est en cours de rédaction par les services de la direction générale de la création artistique (DGCA). Nous rappellerons leurs obligations aux commanditaires publics qui s'en exonèrent trop volontiers.

Nous consentons un effort budgétaire sans précédent en faveur des ENSA, à hauteur de 8,2 millions d'euros, dont 2,5 pour revaloriser leurs dotations de fonctionnement. Nous devrions dégager dix emplois supplémentaires en gestion pour renforcer leurs effectifs. Elles bénéficieront de 60 millions dans le cadre du plan de relance.

Les écoles doivent mettre correctement en œuvre la réforme de 2018 et occuper une place centrale dans la définition et dans la diffusion des solutions pour la transition écologique et sociale. Ce thème a été retenu pour leurs premières assises nationales, qui se sont tenues les 14 et 15 octobre derniers à Rouen. Une réflexion est également engagée sur l'avenir de l'enseignement de l'architecture, en fonction des attentes de la société à l'égard des architectes. Elle bénéficiera de la création, en novembre, d'un observatoire de l'économie de l'architecture.

S'agissant du Grand Palais, nous suivons le chantier. J'ai présenté la réorientation de son projet de restauration et d'aménagement dans un sens plus écologique et plus économique. Pour l'heure, d'après mes informations, l'affaire se déroule de façon satisfaisante. Cet important chantier ne fait l'objet d'aucune alerte.

Monsieur Larive est parti, ce qui est dommage, car il est le seul à s'occuper des artistes-auteurs, selon ses dires. J'ai quelques chiffres à lui donner. L'éligibilité des artistes‑auteurs au fonds de solidarité est l'un des piliers de ma politique. Depuis mars 2020, 250 millions d'euros ont été versés à 45 000 bénéficiaires. Les deux périodes de confinement et de couvre-feu de 2020 ont été couvertes par un dispositif d'exonération de cotisations sociales. Un autre, applicable aux revenus de 2021, est prévu par la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

Pour compléter les dispositifs transversaux, des aides fléchées vers les artistes‑auteurs ont été attribuées par les établissements publics relevant du ministère de la culture les plus proches des secteurs impactés, tels que le CNC, le CNM, le CNL et le CNAP. Dans ce cadre, 14 millions ont été versés aux artistes-auteurs dès 2020. Nous avons abondé ces aides à hauteur de 22 millions en 2021. Fin août, 11 millions avaient été versés.

Par ailleurs, des mesures ciblées sur les auteurs du spectacle vivant ont été prises, notamment un dispositif de prise en charge et de paiement par l'État des dettes de droits d'auteur des compagnies et des structures privées, à hauteur de 3 millions d'euros, ainsi qu'un « couloir auteur » au sein du fonds de compensation des pertes de billetterie, doté d'une enveloppe de 400 000 euros, dont 300 000 ont d'ores et déjà été versés.

Outre ce soutien conjoncturel, j'ai annoncé le 11 mars dernier la mise en œuvre d'un programme de quinze mesures concrètes visant à améliorer rapidement les conditions de création des artistes-auteurs. Une question fondamentale demeure : quel est leur statut ? La réponse à cette question fait polémique. Certains souhaitent être les salariés du passeur de commandes, ce qui les fait passer dans un autre monde. D'autres sont attachés au statut que leur confère le code de la propriété intellectuelle. Je ne suis pas en mesure de résoudre ce conflit récurrent. Ce sont deux modèles totalement antinomiques.

Je comprends bien l'intérêt du modèle salarial : qui dit salariat dit représentation et syndicats. Mais il serait extrêmement complexe de le mettre en œuvre. Et puis, quel rapport y a-t-il entre un peintre, un écrivain de scénario, un sculpteur et un auteur de bandes dessinées ? D'ailleurs, c'est un tout autre monde : le jour où les écrivains recevront des commandes de la part des maisons d'édition, nous aurons basculé dans un modèle à la soviétique, avec des artistes d'État. Est-ce vraiment ce modèle que l'on souhaite instaurer ? Tel n'est pas mon cas.

Le soutien à l'emploi intermittent a été massif. Sur la base des recommandations du rapport d'André Gauron, nous avons prolongé l'année blanche jusqu'au 31 décembre 2021, en l'assortissant d'aménagements réglementaires pour garantir un accompagnement solide jusqu'à la fin 2022. J'ai déjà mentionné le GUSO, le GIP Cafés Cultures et le FONPEPS, qui visent à soutenir l'emploi pendant la reprise d'activité.

Dans la mesure où la crise a perduré, nous avons reconduit le fonds d'urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle (FUSSAT), mis en place en 2020, en le portant de 10 millions à 17 millions d'euros.

Nous avons également prévu diverses mesures d'aménagement pour la sortie du dispositif. Une date anniversaire plancher est fixée au 30 avril 2022 pour permettre aux intermittents dont la dernière date de fin de contrat était très éloignée du 31 décembre 2021 de disposer de davantage de temps pour reconstituer leurs droits. Une date spécifique, elle aussi fixée au 30 avril 2022, est prévue pour les intermittents qui seraient en congé maladie, maternité, paternité ou adoption au 31 décembre 2021. Une clause de rattrapage, dont les conditions d'éligibilité seront temporairement assouplies, permettra aux intermittents ayant totalisé entre 338 et 506 heures de bénéficier d'une indemnisation pendant une durée de six mois. L'allocation de professionnalisation et de solidarité pourra être versée pendant une durée de douze mois à tous les intermittents admis à son bénéfice, et ce même à l'issue des six mois de la clause de rattrapage. Les intermittents âgés de moins de 30 ans ouvrant pour la première fois des droits au titre de ce régime devront cumuler 338 heures et non 507 heures sur la période de référence.

Élisabeth Borne et moi-même suivons l'affaire de très près. D'ici à trois semaines, se déroulera un cycle de réunions bilatérales avec les organisations professionnelles du bureau du Conseil national des professions du spectacle (CNPS). Ces réunions se tiendront en présence des deux ministères. Ce sera l'occasion de partager un certain nombre de chiffres. Nous ne laisserons personne sur le bord du chemin : nous continuerons à soutenir les artistes intermittents, c'est l'un des joyaux de la politique culturelle française.

La présidence française de l'Union européenne aura d'importants enjeux culturels. Même si nos priorités seront annoncées ultérieurement, je puis d'ores et déjà vous dire qu'elle nous permettra de faire avancer des textes très importants tels que le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA). Selon moi, notre ambition doit se traduire par le renforcement de la souveraineté culturelle européenne à l'ère numérique. Nous poursuivrons les discussions pour préserver la création européenne dans une économie mondialisée, protéger la propriété intellectuelle, inscrire la culture dans le quotidien des citoyens européens – c'est-à-dire agir en faveur de la démocratisation de la culture, même si je ne raffole pas de ce terme –, promouvoir davantage la mobilité des artistes et des professionnels de la culture en Europe, développer le multilinguisme des contenus, protéger et valoriser le patrimoine culturel européen, ou encore favoriser la mise en place de nouveaux outils permettant de rapprocher les jeunes de la culture. À cet égard, le Pass Culture intéresse énormément : tous mes collègues ministres européens de la culture me demandent comment ils pourraient l'importer dans leur pays !

En ce qui concerne le rééquilibrage entre Paris et les régions, nous avons hérité d'un millénaire de concentration et de jacobinisme ; je ne saurais y remédier avec mes seules forces. Ce centralisme est aussi un puissant facteur d'attraction de notre pays. Même si l'opéra de Limoges est une institution tout à fait importante, les voyageurs américains qui viennent écouter de l'opéra se rendent d'abord à l'opéra de Paris… L'enjeu est de faire en sorte qu'après avoir assisté à un spectacle à l'opéra de Paris, on aille également à l'opéra de Limoges. Quarante ans après 1981, on salue à juste titre la politique de grands travaux menée par le président François Mitterrand et mise en œuvre par Jack Lang. Or il serait maintenant impossible de mener une telle politique : dans les territoires, tout le monde serait dans la rue… Je développe une action territorialisée à travers les opérateurs du ministère. Les grands opérateurs nationaux sont les têtes de pont d'une politique territoriale passant notamment par les DRAC. Celles-ci agissent directement dans les territoires à travers les bibliothèques, les scènes nationales, les fonds régionaux d'art contemporain (FRAC), les conservatoires et l'octroi de labels. Les DRAC nouent des partenariats avec les collectivités territoriales, avec pour objectif de mener des politiques efficaces.

J'ai visité le chantier des Ateliers Médicis– vous étiez d'ailleurs avec moi, monsieur Testé. Les jeunes qui y œuvrent sont absolument merveilleux. L'établissement public de coopération culturelle (EPCC) associe l'État et sept collectivités territoriales pour mettre en œuvre ce projet très ambitieux. L'ouverture du nouveau bâtiment est prévue pour la fin 2025, près de la gare, qui a été conçue dans le cadre du Grand Paris Express. Le calendrier prévisionnel est tenu. Le coût du projet inscrit au contrat de plan État-région 2021-2027 est évalué à 31 millions d'euros. La région s'est d'ores et déjà engagée pour 5 millions, le département de la Seine-Saint-Denis pour 1 million et la métropole du Grand Paris pour 7 millions, soit 13 millions émanant des collectivités territoriales ; le montant de la contribution des villes de Clichy-sous-Bois et de Montfermeil sera annoncé très prochainement. Le financement de l'État s'élève à ce stade à 18 millions d'euros, dont 3 millions dans le cadre du plan de relance. L'EPCC souhaite financer le solde du besoin de crédits en recherchant des partenariats avec des mécènes potentiels, ce qui me semble être une très bonne idée. Lors de ma visite, j'ai entendu le président Patrick Ollier dire qu'il pourrait augmenter sa participation, mais je ne souhaite pas l'entraîner sur des sentiers qu'il n'aurait pas encore complètement validés. Quoi qu'il en soit, c'est un magnifique projet.

Mes services se tiennent à votre disposition pour éclairer tous les points de détail à propos desquels vous pourriez souhaiter les interroger.

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