La lutte contre le harcèlement scolaire dépasse les clivages politiques et notre mobilisation contre ce fléau pour protéger nos enfants doit être une préoccupation commune. Le harcèlement à l'école peut concerner chaque enfant, qu'il en soit l'auteur ou la victime, quels que soient son âge, son sexe, son environnement et son éducation.
Tous les gouvernements successifs ont présenté des plans de lutte contre ces violences, mais les réseaux sociaux amplifient et transforment le phénomène, qui, désormais, apparaît ou se prolonge en dehors de l'école, ce qui rend le calvaire des victimes interminable. Nous avons trop souvent été témoins, ces dernières années, et encore récemment, de drames qui ont suscité légitimement l'émotion.
Mais n'oublions pas que le harcèlement dit beaucoup du climat scolaire dans sa globalité. Il peut en être la conséquence ou l'affecter considérablement et, à ce titre, concerne l'ensemble de la communauté éducative. Le harcèlement scolaire va bien sûr au-delà des disputes entre jeunes élèves qui peuvent être désamorcées rapidement dès lors que les personnels des établissements sont formés. C'est pourquoi la lutte contre le harcèlement suppose de rétablir un climat scolaire parfois dégradé, en redonnant de la considération aux enseignants, en améliorant les conditions dans lesquelles les élèves grandissent, en imaginant des actions de sensibilisation dès l'école primaire, en lien avec le collège, et en donnant à la communauté éducative des moyens à la hauteur de son investissement.
Parce que l'école est le lieu du collectif, l'effet de groupe doit être pris en compte dans les dispositifs instaurés, tels que le programme PHARE. Il faut mettre fin au consentement silencieux des témoins passifs sans lequel le harceleur ne pourrait devenir un bourreau ou le héros d'un jour, former les sentinelles et les référents qui repèrent et mettent à l'abri les victimes potentielles et créer les conditions d'une libération de la parole des victimes et d'une prise de conscience de la gravité des actes commis par le harceleur. Tout cela relève de la prévention.
Si la proposition de loi, résultat d'un travail engagé de votre part, monsieur le rapporteur, devrait recueillir l'unanimité en raison de ses objectifs, elle ne saurait nous satisfaire pleinement. La création d'une infraction autonome à l'article 4, assortie de sanctions lourdes, n'est pas une réponse adaptée au harcèlement scolaire, déjà fort heureusement réprimé par la loi. Sans dédouaner les harceleurs, qui commettent des faits odieux, il nous faut comprendre les mécanismes qui régissent de tels rapports de domination et croire à l'éducabilité de nos jeunes.
Non seulement nous ne sommes pas favorables à une criminalisation des mineurs et à une augmentation de la répression, mais nous craignons que l'inscription dans le même texte de procédures à l'encontre d'adultes crée de la confusion. S'il est le fait d'enseignants ou d'autres adultes, le harcèlement est un délit grave qui doit être puni, ce que permet la loi. N'oublions pas que le fait pour un enseignant de ne pas dépister des symptômes de harcèlement au sein d'une classe perturbée, dans un climat scolaire problématique, est moins souvent la marque d'une complicité que celle d'une difficulté à voir et à comprendre. Cela nécessite aussi une véritable formation.
À l'article 7, si nous souscrivons à l'obligation de lutte contre le harcèlement scolaire imposée aux plateformes et aux fournisseurs d'accès, nous doutons de son opérabilité à défaut de contraintes supplémentaires.
Nous regrettons l'absence de prise en compte de l'ensemble de la communauté éducative et des parents dans les formations initiale et continue, de mesures visant à lutter contre les violences spécifiques contre les filles, comme le sexting, de moyens accordés aux personnels éducatifs et de santé scolaire, dont nous ne cessons de déplorer la pénurie. Comment prétendre associer les personnels de santé quand nous savons tous qu'ils sont devenus trop rares et trop surchargés de travail pour intervenir dans des dispositifs aussi lourds ? Nous regrettons, enfin, l'absence de prise en charge spécifique des victimes. Combien d'entre elles se sont retrouvées face aux auteurs lors de confrontations précoces qui traduisaient le manque de formation des adultes ? Ce point est d'ailleurs relevé dans le rapport de la Défenseure des droits.
Le législateur ne peut pas tout et nous devons nous garder de promulguer des lois d'émotion. Au-delà des bonnes intentions, cette proposition risque de ne pas apporter des solutions adaptées. Nous nous abstiendrons lors de son vote.