« Ne t'inquiète pas, la prochaine fois, c'est la bonne. » Ces mots ont été prononcés par le camarade de classe d'une adolescente après sa première tentative de suicide. La jeune Dinah a mis fin à ses jours quelques mois plus tard parce que le harcèlement qu'elle subissait n'était plus supportable. Sa tragique histoire a été relayée par les médias, mais derrière les cas médiatisés se cachent des centaines de milliers de situations intolérables.
D'après le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), en France, plus de 700 000 élèves sont victimes de harcèlement scolaire et près d'un adolescent harcelé sur dix a déjà pensé à se suicider. Lorsqu'ils ne commettent pas l'irréparable, de nombreux adolescents harcelés en subissent pendant des années, parfois même durant toute leur vie, des séquelles psychologiques, mais aussi physiques. C'est le cas du jeune Hazerka, qui a perdu l'usage complet de sa main gauche après avoir été brutalisé par des camarades haineux.
Le cœur du problème, donc des solutions, se trouve à l'école. Elle est le premier remède à la violence, parce qu'en plus des savoirs, on y apprend le civisme et la citoyenneté.
Face à la gravité des faits et à l'urgence d'aider l'école à assurer cette mission, le groupe Agir ensemble se réjouit de l'inscription à notre ordre du jour de la proposition de loi particulièrement bienvenue qui nous est soumise.
Ses trois premiers articles font du droit à une scolarité sans harcèlement une composante du droit à l'éducation. Concrètement, le texte crée une obligation de moyens pour les établissements d'enseignement, ce qui passe notamment par la formation des personnels. L'enjeu est fondamental : selon un rapport sénatorial, deux tiers des enseignants s'estiment mal armés et mal formés face au harcèlement.
Les mesures figurant dans ces articles sont complémentaires du programme PHARE instauré par le Gouvernement et prévoyant notamment la nomination de référents chargés de piloter le dispositif de lutte contre le harcèlement à l'école. Le groupe Agir ensemble aurait souhaité compléter ce point en imposant la désignation d'un référent parmi le personnel de chaque établissement, assortie d'un temps de décharge lui permettant d'assurer des permanences d'accueil des victimes, d'échanger avec les parents et d'intervenir dans les classes pour réaliser des actions de prévention. Nous regrettons que notre amendement n'ait pas été jugé recevable en vertu de l'article 40 ; nous déposerons un amendement d'appel en vue de la séance publique, parce que le débat mérite d'avoir lieu.
Les articles 4 à 6 complètent le dispositif en proposant une amélioration du traitement judiciaire des faits de harcèlement. Le texte renforce les peines, réforme la prise en charge des plaintes et inclut pour les auteurs de harcèlement des actions de sensibilisation en complément des peines.
Enfin, la proposition de loi vise à remédier au fléau du cyberharcèlement, qui entraîne un déferlement de violence et à cause duquel les victimes n'ont plus aucun répit. L'article 7 renforce ainsi les obligations imposées aux réseaux sociaux. Les plateformes devront permettre le signalement de contenus prohibés. Sur ce point, ce texte est complémentaire de la proposition de loi Studer visant à encourager l'usage du contrôle parental. La régulation des plateformes est un sujet difficile et technique, mais fondamental ; en la matière, nous sommes très en phase avec le texte.
Tout en soutenant résolument la proposition de loi, nous souhaiterions la compléter afin de mieux prendre en compte la souffrance des victimes, y compris à l'issue des faits. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement relatif à la prise en charge du suivi psychologique pour les enfants victimes de harcèlement. Nous défendrons enfin un amendement tendant à faire de la lutte contre le harcèlement une grande cause nationale, car, au-delà du symbole, ce label implique des facilités de subventionnement pour les associations œuvrant dans le domaine concerné.
Vous l'aurez compris, nous voterons la proposition de loi.