Madame Avia, je vous remercie chaleureusement de votre appui depuis le début. Nous avons commencé à travailler ensemble sur l'outrage sexiste et nous avons continué de le faire sur toutes les questions sexistes et sexuelles avant d'en venir au harcèlement scolaire. Les représentants des plateformes que nous avons auditionnés ont conscience de l'incidence de la pollution de leur écosystème. Elles sont disposées à ajouter les boutons de signalement que la loi va leur imposer. Alors que seules les notions d'intimidations et de violences, plus difficiles à appréhender par un enfant harcelé, étaient jusqu'à présent prévues, la présence de la notion de harcèlement scolaire, désormais parfaitement connue des enfants, favorisera le signalement rapide des faits. Continuons cependant à leur mettre la pression au sujet non seulement du harcèlement, mais aussi de la copie privée ou des droits voisins.
Pourquoi prévoir un délit spécifique, madame Genevard ? Parce que j'avais relevé une difficulté touchant le niveau de protection. À l'âge de 17 ans, vous êtes davantage protégé comme salarié, dans le monde du travail, qu'au lycée, ce qui n'est pas admissible. C'est la fonction du droit de prévoir un niveau de peine. Nous aurions pu ajouter des circonstances aggravantes au délit existant, mais la majorité a choisi de fixer un interdit clair.
Madame Victory, si cette proposition de loi n'était pas votée à l'unanimité, ce serait pour moi un échec. Je ferai donc tout pour vous convaincre, vous et votre groupe, de la logique de cette nouvelle qualification pénale. Je le répète, il s'agit que la société définisse un interdit clair. Le code pénal représente l'engagement de la société : fixer un délit pénal engage tout un ensemble de politiques publiques et crée pour l'État une obligation de moyens pour tenter de remédier au problème.
Prenons le cas du harcèlement au travail, un sujet qui fait partie de vos préoccupations, madame Faucillon. Pendant longtemps, mentionné dans le code du travail, il n'était cependant pas pénalisé. Dans les années 2000, le législateur a choisi de le pénaliser et les actions dans ce domaine se sont multipliées. À partir de ce moment-là, on a constaté une responsabilisation sociétale : l'employeur, le salarié, la société dans son ensemble se sont mis à prendre le problème en considération. Loin d'exprimer une volonté répressive, je fais un pari identique. Le quantum de peine ici prévu est élevé parce que le code pénal doit répondre à toutes les situations : puisqu'un enfant doit être protégé de ses pairs, mais aussi d'un adulte, il faut un quantum de peine proportionné, qui ne soit pas inférieur à ceux sanctionnant les cas de harcèlement moral qui existent déjà dans notre code. La justice pénale des mineurs s'adapte à la situation, à la particularité et au niveau de discernement de l'enfant. Ainsi, les réponses pénales seront adaptées. Toute judiciarisation est un constat d'échec de notre société ; je souhaite donc qu'il y en ait le moins possible. J'espère changer ainsi votre point de vue sur cet aspect du texte, madame Faucillon, car la démarche qu'il permet est la seule façon d'entraîner la société et, ainsi, de progresser.
Merci, madame Park, de rappeler l'importance du volet préventif. Toutefois, on ne peut faire de prévention que si l'interdit est clairement défini. Mon texte repose sur trois verbes : prévenir, accompagner et protéger. C'est le chemin que nous devons prendre.
Merci, madame Anthoine, de rappeler que notre devoir de législateur est de réagir, de faire notre part. Si nous constatons que nos codes comportent des lacunes, c'est notre rôle de les combler. C'est ainsi que la société reconnaîtra le problème. La représentation nationale est la caisse de résonance des problèmes de la société et doit les traiter. Vous souhaitez la systématisation du stage, mais les peines ne peuvent être automatiques : il faut laisser au juge et, avant lui – puisque je souhaite que la judiciarisation recule –, aux équipes pédagogiques la capacité d'adapter finement à chaque cas les sanctions et l'accompagnement. Car les enfants, harceleurs ou victimes, sont des êtres singuliers.
Merci, chère Blandine Brocard, de rappeler les conséquences du harcèlement scolaire sur la vie, parfois entière, des enfants. Ce fléau est dramatique, car, je l'ai dit, en perdant confiance en lui, en ses camarades, en l'institution, c'est en l'ensemble de la société qu'un enfant perd confiance. C'est ainsi que des enfants décrochent scolairement, mais aussi socialement. Merci de rappeler que l'accompagnement des victimes par une prise en charge psychologique, que vous souhaitez, était prévu dans la version initiale de ma proposition de loi. Il nous renvoie d'ailleurs à la question de la condamnation : c'est d'une décision de justice que dépend le statut de victime, d'où l'importance d'un appareil législatif performant en la matière. Il est exact qu'il faut progresser en matière de prise en charge psychologique. Une première étape a été franchie avec l'adoption récente des amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) portant sur le sujet. C'est au Gouvernement d'accepter ou non votre demande de rapport, mais il serait bon d'avancer et, pour cela, de rester vigilants.
Madame Victory, vous avez raison de dire que la responsabilité des parents est énorme, mais notre pays n'a pas de code des parents, seulement un code de l'éducation. Le sujet relève en partie du domaine privé. On pourrait cependant imaginer un code de l'enfance incluant les dimensions pénale et civile et dans le cadre duquel on pourrait travailler sur la responsabilité des parents et leur accompagnement. Les parents sont responsables du suivi de la santé de leur enfant. Ils doivent être sensibles aux signaux faibles envoyés par un enfant qui ne mange plus, qui n'est pas bien, qui dit avoir mal au ventre, et en référer à d'autres adultes qui peuvent les accompagner au sein de l'école. Mais les enfants peuvent aussi être harceleurs : les parents ont donc aussi la responsabilité de surveiller l'attitude de leur enfant et de lui indiquer la conduite à tenir.
Monsieur Potterie, vous évoquez des violences terribles, allant au-delà des qualifications pénales que nous allons définir, jusqu'aux coups et blessures, voire pire. C'est bien pourquoi il faut protéger nos enfants. La présence d'un référent dans chaque établissement relève davantage du domaine réglementaire et de l'application des politiques publiques ; nous devons pour notre part fixer un cadre permettant l'expression de la décision publique et politique. En outre, le référent unique n'est pas la bonne solution. Plutôt que faire peser une charge aussi lourde sur une seule personne, il me semble préférable de constituer des équipes pluridisciplinaires composées de personnels éducatifs et d'autres, par exemple ceux qui servent à la cantine.
Madame Thill, vous jugez les punitions trop sévères, mais l'ordonnancement pénal et le quantum des peines sont tels qu'un adulte ayant commis une faute doit être puni de manière proportionnée. C'est le rôle du juge que de choisir et d'adapter la peine à la situation.
Madame Kerbarh, nous incluons en effet l'enseignement privé dans notre démarche parce que nous devons protéger tous les enfants de la République. Quant à l'articulation des dispositions du texte avec le programme gouvernemental PHARE, au-delà de l'action des ministres successifs qui, depuis Luc Chatel, ont pris en compte le fléau du harcèlement scolaire, ce pour quoi il faut leur rendre hommage, l'inscription dans la loi sert à donner un fondement légal solide au combat, à le pérenniser et à obliger notre société à réagir au problème.