Intervention de Cathy Racon-Bouzon

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCathy Racon-Bouzon :

« Est-ce que je suis obligé de… ? » : telle est la question qu'entend de plus en plus souvent la sexologue Margot Fried-Filliozat, qui anime des ateliers en classe, dont la toile de fond est la pornographie, laquelle modifie le rapport au réel des enfants et des adolescents. D'après les chiffres recueillis par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en 2021, 82 % des enfants de dix à quatorze ans indiquent aller régulièrement sur internet sans leurs parents. Ces navigations de plus en plus précoces induisent une exposition du même ordre à des contenus inappropriés. À douze ans, près d'un enfant sur trois a déjà été exposé à des contenus pornographiques.

Face à ces dangers, la priorité, depuis 2017, est de renforcer l'arsenal législatif pour encadrer les premiers pas des jeunes sur internet, et de développer un véritable accompagnement des parents et des encadrants des enfants sur le volet de la protection de l'enfance. Cette proposition de loi, qui porte plus précisément sur l'outil du contrôle parental, qu'il faut ancrer dans les pratiques, comme un élément certes de blocage, mais aussi de dialogue, s'inscrit dans la lignée de plusieurs avancées.

Encadrer et éduquer, tel est l'équilibre que nous avons choisi dès le départ, en adoptant la proposition de loi relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire, qui prévoit aussi l'apprentissage de la citoyenneté numérique. Pour protéger les mineurs sur internet, nous avons fixé la majorité numérique à quinze ans dans la loi du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles. Par ailleurs, la loi renforçant l'action contre les violences sexuelles et sexistes a durci les sanctions applicables aux auteurs de cyberharcèlement visant des mineurs de moins de quinze ans, et élargi la définition du harcèlement en ligne afin de réprimer les phénomènes de meute.

Protéger les enfants dans l'espace numérique, c'est les protéger des contenus pornographiques, violents et haineux, mais c'est aussi garantir que leur image ne sera pas utilisée à des fins malveillantes. La loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne réprime ainsi l'extorsion de contenu à caractère sexuel. Dans ce cadre, un délit de « sextorsion » a été créé au printemps dernier.

La lutte pour une navigation plus sereine des enfants et des adolescents sur internet comporte plusieurs étapes et concerne tous les acteurs de l'éducation. À l'école, le Gouvernement a généralisé à tous les établissements d'enseignement scolaire, depuis le mois de septembre dernier, le programme pHARe de lutte contre le harcèlement à l'école, qui prévoit plusieurs dispositions visant à prévenir plus spécifiquement le harcèlement en ligne.

Elle concerne aussi les acteurs du numérique. Un protocole d'engagement pour la prévention de l'exposition des mineurs à la pornographie, élaboré par MM. Adrien Taquet et Cédric O, a été signé en 2020 par trente-deux acteurs, dont le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP). Sensibiliser les parents à l'exposition de leurs enfants à la pornographie, informer sur le contrôle parental et faciliter le dialogue entre parents et enfants : tel est le sens de la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr.

Continuer à sensibiliser et à responsabiliser les acteurs de l'enfance, tel est l'objet de la proposition de loi de Bruno Studer. Elle prévoit l'obligation, pour les fabricants, d'installer un système de contrôle parental et de proposer à l'utilisateur son activation lors de la première mise en service de l'appareil. Elle charge l'ANFR du contrôle du respect de cette obligation. Elle permet l'harmonisation des fonctionnalités et des caractéristiques techniques des outils de contrôle parental proposés par les FAI à titre gratuit.

Ce texte fait le pari de l'humain, de la discussion et d'une technique placée au service d'une société éclairée sur le champ des possibles comme sur celui des dangers de la navigation numérique pour les plus jeunes. Comment ? En rendant les parents, et plus généralement les adultes, acteurs de la démarche permettant d'activer le contrôle parental. Il s'agit de faciliter et non de démobiliser. Tel aurait été le piège d'un contrôle parental par défaut : priver les adultes éloignés de cette question de l'opportunité de s'en saisir et d'en comprendre les ressorts.

Pour compléter le dispositif, notre groupe défendra un amendement visant à préciser que les appareils reconditionnés y sont inclus. Souvent mis entre les mains des plus jeunes, ils s'inscrivent dans une démarche écologique que nous soutenons, et que nous souhaitons compatible avec celle de la protection des enfants.

Ce texte protège l'enfant tout en garantissant sa liberté de découverte, de recherche et de construction de soi, ainsi que de son esprit critique, qui en est aussi une priorité. Par le biais de cette proposition de loi, nous participons de l'ambition évoquée par le Président de la République en 2019 à l'UNESCO : permettre aux enfants d'être ou de redevenir innocents et heureux. Tel est notre devoir, surtout pour les enfants les plus fragiles.

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