Intervention de Bruno Studer

Réunion du mercredi 12 janvier 2022 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Studer, président, rapporteur :

J'ai retenu des diverses interventions plusieurs expressions. Mme Petit a évoqué les maux bien réels du virtuel ; Mme Duby-Muller le découragement des parents face à la complexité des dispositifs de contrôle parental, raison pour laquelle nous souhaitons en faciliter l'accès et le maniement.

Je connais des parents qui, effectivement découragés par la complexité du dispositif, le soir de Noël, décident de remettre à plus tard l'installation d'un contrôle parental sur le nouveau téléphone de leur enfant et deux jours plus tard, voient celui-ci pleurer parce qu'il a été confronté à des images choquantes.

Il est normal qu'un enfant âgé de 12 ans cherche l'image d'une femme nue. Essayez de faire la recherche et vous serez surpris par la violence des images et des mots qui vous seront proposés. Cela doit nous interpeller tout comme le fait que la même recherche au sujet d'un homme aboutit, au lieu d'une ode à la femme dominée, à un hymne à l'homme viril. Les heures passées par les parents à éduquer leur enfant à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que celles passées par les professeurs à préparer des séquences pédagogiques pour déconstruire des préjugés sont anéanties en quelques secondes par une vidéo ou une image. Il faut évidemment agir.

Monsieur Labille, vous avez défendu l'utilité des petites retouches. Vous connaissez, et vous le partagez, mon souci du développement de l'enfant dans l'univers numérique. En témoignent mes travaux sur les fausses informations, sur l'école dans la société du numérique, ainsi que sur les enfants youtubeurs. Nous n'examinons pas un texte sur la protection des enfants à l'ère du numérique – je salue toutes les dispositions prises en la matière. Nous ne pouvons malheureusement pas tout traiter, mais le débat sera l'occasion de quelques avancées complémentaires.

Le changement du parcours pour l'utilisateur que nous imposons aux fabricants ne vaudra pas que pour la France. Il s'appliquera aux produits vendus au moins en Europe et sans aucun doute pour le monde entier. Il s'agit donc d'une petite retouche, mais grande aussi, et utile. Je salue la responsabilité de nombreux acteurs que j'ai rencontrés lors des auditions et que nous soumettons à une contrainte dans l'intérêt de nos enfants.

J'ai beaucoup entendu qu'il faudrait aller plus loin mais nombre de sujets ne relèvent pas directement du contrôle parental. Toute restriction à la liberté du commerce et de l'industrie doit être justifiée par un motif impérieux, en l'espèce la protection des mineurs contre des contenus inappropriés. Le temps passé devant les écrans n'est pas une préoccupation nouvelle – on s'en inquiétait déjà pour la télévision– et ne constitue pas un motif impérieux.

En revanche, je vous rejoins sur un point : le contrôle parental ne doit pas être trop intrusif, c'est aussi la responsabilité des parents de le garantir. Madame Ressiguier, au sujet de votre amendement sur la reconnaissance faciale, je souhaite que la CNIL soit consultée avant la publication du décret en Conseil d'État qui établira les fonctionnalités minimales du contrôle parental. Je vous propose d'y travailler ensemble avant la séance.

Vous avez abondamment évoqué l'éducation et la prévention, mais nous nous heurtons toujours au même écueil : on ne peut pas éduquer les parents par la loi. Même si certains enfants le font seuls, nombre d'entre eux, en particulier les plus petits, ont besoin de leurs parents pour mettre en service leur équipement. Je ne suis pas favorable à une activation par défaut du contrôle parental car cela pourrait avoir pour effet pervers – Mme Racon-Bouzon l'a souligné fort justement – de dissuader les parents de maintenir leur vigilance alors même que, nous le savons, la rencontre avec certains contenus aura lieu. Monsieur Di Filippo, même à quelqu'un comme moi qui suis assez au fait d'internet, l'émission de dimanche soir a révélé des phénomènes que j'ignorais. C'est un fait, la sexualité à l'ère du numérique, comme bien d'autres choses, change. Il faut accompagner les parents. À cet égard, internet peut être une solution : en cas de difficulté, vous pouvez y trouver des conseils pour parler à votre enfant alors qu'auparavant il fallait commander un livre ou se rendre dans une bibliothèque pour obtenir les informations. Il y a le meilleur et le pire sur internet, sur ce sujet comme sur d'autres. Je n'ai jamais présenté le texte comme une solution miracle. L'un d'entre vous a parlé d'une aide précieuse pour mieux accompagner nos enfants.

Soyons honnêtes, les âges que nous avons tous mentionnés sont très certainement déjà dépassés. Les réponses dans les enquêtes ne reflètent pas toujours la réalité car ceux qui les donnent peuvent être embarrassés ou ignorer la vérité. La loi ne pourra jamais dire aux parents qu'il ne faut jamais laisser un objet connecté dans la chambre des enfants la nuit. Les chiffres sont édifiants à cet égard : combien d'enfants répondent à des messages la nuit ou jouent en ligne en cachette pour ne pas perdre leur rang dans le classement ? La première responsabilité est celle, non pas du législateur, mais des parents. En revanche, l'État peut intervenir pour mettre à disposition des parents des outils qui leur facilitent l'exercice de cette tâche ô combien difficile que d'assumer leur responsabilité de parent. Dans un monde numérique, nous devons tous prendre notre part. La sensibilisation des parents passe par des sites internet – vous avez fait référence à jeprotègemonenfant.gouv.fr – mais cela ne peut pas être la solution unique puisque certains parents n'utilisent pas internet. L'éducation populaire est nécessaire mais, une fois encore, la loi ne peut pas y contraindre.

Ce sujet comme d'autres qui se rapportent au numérique suscite un mouvement dans la société. C'est le rôle de l'Assemblée nationale que de s'en saisir afin de lancer le débat dans les médias puis dans l'opinion publique. Je vous remercie de soutenir cette proposition de loi sur laquelle je me réjouis, si ce n'est d'un consensus, de grandes convergences.

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