Je suis intervenu le 9 février à l'Université populaire de l'eau et du développement durable (UPEDD) du Val-de-Marne. Par ailleurs, je fais partie d'un groupe de travail sur la mise en œuvre des objectifs du développement durable, dont un sous-groupe se consacre aux départements d'outre-mer, au sein du Partenariat français pour l'eau. Il s'avère que nous manquons de données pour mieux asseoir la construction des indicateurs de satisfaction des objectifs du développement durable dans les départements d'outre-mer.
Je suis ingénieur civil des mines. À la sortie de mon école d'ingénieurs, j'ai eu la chance d'obtenir une bourse du gouvernement français pour aller étudier l'urbanisme aux États-Unis, où je suis arrivé en 1971, au moment du lancement du mouvement environnemental aux États-Unis. Je me suis alors spécialisé dans les problèmes d'environnement urbain. J'ai ensuite travaillé en bureau d'études d'urbanisme pendant quelques années, sans jamais perdre de vue l'envie de travailler sur l'eau.
Je me suis d'abord demandé pourquoi la France accordait une telle place à la délégation de service public, un système beaucoup moins implanté dans d'autres pays, et pourquoi la France avait créé les agences de l'eau, des objets institutionnels non identifiés dans notre paysage politique et administratif. D'ailleurs, le ministère des Finances et les gouvernements qui se succèdent ne comprennent rien aux agences de l'eau et sont incapables de leur donner une chance. La situation est aujourd'hui totalement incohérente, puisque 85 % des ressources des agences de l'eau proviennent des factures d'eau des usagers domestiques et assimilés, mais qu'il est demandé aux agences de l'eau de diminuer leurs interventions pour accompagner l'amélioration des services, afin qu'elles interviennent davantage sur d'autres plans, qui, tout aussi importants qu'ils soient, ne rendent pas directement service à ceux qui ont payé leur facture d'eau.
Il me semble nécessaire de revoir intégralement le système de financement de nos agences de l'eau et des établissements publics territoriaux de bassin. Avec un élève de l'École nationale des ponts et chaussées, nous venons de réaliser une enquête auprès de dix-neuf établissements publics territoriaux de bassin et nous sommes extrêmement inquiets. Les lois de finances qui ont été votées ne sont pas à la hauteur de ce que nous devons faire pour mieux gérer l'eau.
Je suis personnalité qualifiée au Cercle français de l'eau, qui est financé par les entreprises de l'eau, Électricité de France (EDF) et Les Canalisateurs, une branche de la Fédération nationale des travaux publics. Vous pourriez penser que je suis en situation de conflit d'intérêts, mais, en réalité, je ne suis que personnalité qualifiée. Je ne touche aucune rémunération de ce Cercle, auquel j'appartiens depuis sa création, parce que son président fondateur, le sénateur Jacques Oudin, avait tenu à disposer d'une étude comparée sur la politique de l'eau dans les pays de l'Union européenne. J'ai publié cette étude en 1995. Elle est la seule étude existante présentant la politique de l'eau dans les quinze pays que comptait l'Union européenne à cette date. Cette étude mériterait d'ailleurs d'être mise à jour, car de nombreuses choses ont changé. Il faudrait notamment traiter des pays ayant rejoint l'Union européenne depuis, tout en conservant les pages consacrées au pays qui en est sorti. En effet, le Royaume-Uni est un exemple intéressant de ce qu'il ne faut pas faire en matière de gestion de l'eau.
Pendant vingt-cinq ans, j'ai été chercheur au Centre national de recherche scientifique (CNRS). Je suis à la retraite depuis sept ans maintenant, mais je continue à donner des cours à l'Institut d'études politiques de Paris. J'encadre encore des doctorants, notamment étrangers.
Je tiens à votre disposition des diapositives présentant le discours de l'économie institutionnelle au sujet de l'eau comme bien public pur ou impur.
Les privatisations ou les mises sur le marché de l'eau en tant que ressource concernent très peu de pays, dont le Chili sous Augusto Pinochet (des chercheurs américains et sud-américains travaillent sur l'échec de la privatisation et des marchés de l'eau au Chili) et les États-Unis. Voilà une vingtaine d'années, j'ai écrit un article sur les marchés de l'eau en Californie, en réponse à un article rédigé par deux collègues qui disait en substance : « des marchés de l'eau en France, pourquoi pas ? ». Mon article comprenait deux parties, l'une consacrée à la crise du partage du Colorado et l'autre aux résultats en termes de gestion de l'eau en Californie. À l'époque, j'avais écrit que je ne croyais absolument pas à l'émergence de marchés de l'eau en Californie. Je continue à ne pas y croire, car je pense que l'idée selon laquelle la bourse des matières premières de Chicago ouvrirait la possibilité d'un marché de l'eau est en fait le résultat d'une incompréhension. En réalité, les Californiens se sont mis d'accord pour rendre possible le fait de s'entendre à l'avance pour la répartition de l'eau, à un prix qui ne dépendra pas d'une crise éventuelle – due à des incendies dramatiques, à des inondations ou à des sécheresses prolongées – de manière à empêcher que des marchés de l'eau se créent de façon sauvage. Il s'agit de réguler les marchés.
Il est important de distinguer la gestion des ressources en eau et la gestion des services publics d'eau et d'assainissement.