Je trouve très important de discuter de la question de la participation de la société civile et de la démocratisation de la gestion locale. J'estime, moi aussi, que l'usager est le grand oublié des récentes réformes.
L'histoire a montré que les grands progrès en matière de santé publique sont le produit vertueux d'alliances entre un État ayant décidé de légiférer de manière contraignante et une société civile qui émerge, grâce à des personnalités, souvent élues (Charles Cazalet, à Bordeaux, par exemple). Celles-ci se révèlent fréquemment être des promoteurs du premier logement social. Ce n'est pas un hasard si, au début du XXe siècle, les centres de protection maternelle et infantile (PMI), les bains-douches et l'accès à l'eau sont l'objet des mêmes lois (la loi du 12 avril 1906 modifiant et complétant la loi du 30 novembre 1894 sur les habitations à bon marché, dite loi Strauss, par exemple), qui promeuvent l'action financière, à travers les caisses d'épargne. Ces dernières permettent de réunir les financements nécessaires aux innovations en matière de santé publique : douches, fontaines, etc.
La suppression des fontaines est directement liée à l'introduction du contrat d'eau à domicile. L'eau est aujourd'hui rentrée dans 98 % des domiciles en France, mais la situation est très différente en outre-mer. Je travaille avec Marie Tsanga-Tabi sur un ouvrage dont le titre sera Précarité en eau, perspectives européennes. Même si 98 % des logements sont raccordés à l'eau, faut-il supprimer les équipements publics pour autant ? La COVID-19 a révélé combien l'accès à l'eau dans l'espace public était important.
Outre l'État législateur et la société civile, la configuration vertueuse dont je parlais implique également les organisations non gouvernementales (ONG) et les associations, qui prennent une part importante dans la réflexion et dans la délivrance de préconisations, mais aussi les systèmes de financement et les usagers. J'ignore s'il faut faire des usagers des actionnaires. À Paris, le financement des bains-douches a été plébiscité dans le cadre du budget participatif. Plusieurs millions d'euros ont ainsi été dégagés pour participer à leur rénovation. Nous assistons à une prise de conscience des citoyens.
J'ai étudié les débats parlementaires qui ont entraîné le rejet de la proposition de loi Glavany. L'argumentaire des élus de droite ayant contribué à faire échouer le projet consistait à dire qu'il ne fallait pas obliger les communes à construire des bains-douches ou des fontaines. Pourtant, il aurait fallu le faire. La proposition de loi Glavany proposait des seuils intéressants et octroyait des délais pour laisser le temps aux communes de se conformer à la loi. De plus, cette loi mettait en place un financement écoresponsable qui me semble intéressant : 0,5 centime par bouteille d'eau, eu égard aux conséquences des emballages plastiques sur l'environnement.
Il existe des éléments forts sur lesquels s'appuyer pour continuer à réfléchir sur la manière de favoriser une dynamique vertueuse au niveau local. Des garde-fous sont néanmoins indispensables.