Intervention de Sylvain Barone

Réunion du jeudi 18 mars 2021 à 10h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Sylvain Barone, chercheur en science politique au sein de l'UMR G-EAU Gestion de l'eau, acteurs, usages – Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) – Université de Montpellier :

L'impunité environnementale s'explique par une succession d'étapes, qui rendent à chaque fois la sanction de moins en moins probable. D'abord, les polices de l'environnement manquent de moyens. L'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), ancêtre de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'OFB, a été doté de peu de moyens à sa création : 110 millions d'euros, 900 agents. Un seul agent en équivalent temps plein (ETP) est aujourd'hui chargé de contrôler 1 000 kilomètres de cours d'eau. Chaque département compte 2,5 ETP. En termes de contrôle, la pression est donc extrêmement faible.

Deuxièmement, il existe un certain nombre de ménagements sectoriels. Autrement dit, certains groupes sociaux font l'objet d'une certaine mansuétude. Nous l'avons observé dans les départements du sud-ouest, notamment, où les contrôles se soldent parfois par des agressions envers les inspecteurs de l'environnement. En définitive, dans certains départements, la pression de contrôle est inférieure de moitié à la moyenne nationale, car les inspecteurs de l'environnement n'effectuent plus de contrôles, par peur des représailles. Les contingences locales sont extrêmement fortes.

Troisièmement, la doctrine du ministère de la Justice privilégie les procédures transactionnelles. Dans les cas où l'infraction n'est pas grave et/ou irréversible, la transaction pénale prime. Il s'agit alors de renoncer à la sanction pénale, en échange du paiement d'une amende transactionnelle. Symboliquement, la finalité rédemptrice est préférée à la répression pénale, ce qui s'avère relativement neutre en termes de réprobation sociale. Il peut même se révéler économiquement intéressant de ne pas respecter la loi. Par exemple, si un exploitant ne respecte pas un arrêté sécheresse et irrigue sa parcelle de maïs en plein été, il s'expose à une amende de 300 euros, ce qui est peu par rapport aux revenus tirés de l'irrigation de la parcelle.

Quatrièmement, les poursuites sont extrêmement rares. Lorsqu'une infraction est constatée, le taux de poursuite n'est que de 21 %. Dans 80 % des cas, les affaires donnent lieu à une transaction pénale, à un classement sans suite ou à un rappel à la loi. En vérité, les magistrats sont relativement déconnectés des questions environnementales. Ils y sont peu formés et ne s'y intéressent guère, dans la plupart des cas. Les atteintes environnementales représentent 1 à 2 % du contentieux général.

Enfin, la coordination des acteurs, pour porter ces politiques pénales, est plus ou moins forte selon les juridictions. Dans certains cas, les associations de protection de la nature, qui jouent un rôle extrêmement important dans le contentieux environnemental, sont associées par les parquets, tandis que tel n'est pas du tout le cas dans d'autres territoires.

En résumé, la détection des faits est peu probable. La probabilité des poursuites est faible. Quand un jugement est rendu, il est souvent en demi-teinte et les sanctions se révèlent minimes.

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