Le Cercle français de l'eau a organisé une journée de colloque à l'Assemblée nationale sur le thème de l'accès à l'eau pour tous. Les actes de cette journée sont disponibles en ligne. Le directeur de la Maison de l'eau à Grenoble, était intervenu. La Maison de l'eau a vocation à offrir un ensemble de services liés à l'hygiène aux personnes qui vivent à la rue, y compris dans le but de leur redonner un sentiment de citoyenneté.
La question de la démocratie participative m'intéresse beaucoup. S'agissant des villes de plus de 30 000 habitants, la loi prévoit la création de commissions consultatives de service public. Cette loi est mal mise en œuvre, mais certaines villes l'ont fait. À Paris, les réunions de cette commission sont préparées par des réunions plus informelles d'un observatoire de l'eau, où l'expression des citoyens est plus facile. En effet, le formalisme tend à étouffer la parole des citoyens.
La démocratie participative est particulièrement intéressante en ce qui concerne la gestion de la ressource en eau. La gestion de la ressource en eau en tant que bien commun existe depuis l'aube de l'humanité. Dans de nombreux endroits, des utilisateurs de l'eau se réunissent pour la gérer en commun et réaliser les investissements nécessaires, comme en témoignent le Tribunal des eaux de Valence ou les wateringues, communautés de drainage aux Pays-Bas, qui gèrent un budget cumulé de 2,8 milliards d'euros. Les wateringues hollandaises sont dirigées par des comités composés d'usagers, tandis que, malheureusement, les collectivités locales n'y disposent d'aucun siège.
Quand il a créé les agences de l'eau en France, en 1964, Yvan Scherrer voulait suivre le modèle qui existait depuis déjà cinquante ans dans la Ruhr, en Allemagne, à savoir un modèle fondé sur la démocratie participative. En vertu de ce modèle, la gestion de l'eau est confiée à une institution qui a la maîtrise d'ouvrage, une partie de la police de l'eau et un pouvoir de taxation, mais celle-ci est dirigée non pas uniquement par des élus, mais par des usagers. Des sièges sont donc réservés aux industriels, aux représentants des agriculteurs et aux associations de consommateurs.
Lorsque ce modèle a été importé en France, nous ne l'avons pas strictement reproduit, car les élus de l'époque se sont montrés hostiles à cette forme de démocratie participative. De plus, la haute fonction publique, en particulier les inspecteurs des finances, a refusé que la maîtrise d'ouvrage soit confiée aux agences de l'eau, en invoquant l'article 34 de la Constitution selon lequel l'argent public doit être perçu et dépensé sous le strict contrôle des élus des collectivités territoriales.
Soit il faut modifier la Constitution – mais je pense que ce ne sera jamais fait pour l'eau –, soit il faut mettre en œuvre au niveau des établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) ce qui n'a pas pu l'être au niveau des agences de l'eau. À ce jour, les EPTB sont strictement dirigés par des élus, puisque les membres de leur conseil sont des représentants des EPCI à fiscalité propre. Ceux-ci transfèrent parfois leur compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI) aux EPTB, pour une gestion plus cohérente, par bassin, de la ressource en eau.