Intervention de Aurore Chaigneau

Réunion du jeudi 1er avril 2021 à 17h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Aurore Chaigneau, professeure de droit privé à l'université Paris-Nanterre :

La contractualisation est de plusieurs types. Je prenais l'exemple de la contractualisation des organismes responsables de la gestion de l'eau avec les agriculteurs. Elle suppose différentes modalités : le rachat du foncier, une mise à disposition temporaire par des prêts à usage, des baux ruraux, toutes sortes d'outils qui sont assez en vogue en ce moment et qui peuvent être utilisés de façon vertueuse ou pas. Le problème est que nous sommes confrontés à une ressource qui a de multiples implications sur l'environnement, sur les activités humaines, mais aussi sur la nature, la faune et la flore. Or cette contractualisation porte toujours sur certains usages. Ce faisant, elle n'englobe jamais la totalité des conséquences liées à l'utilisation de la ressource. Que la distribution de l'eau soit une régie publique ou DSP, cela n'impacte pas en bout de chaîne le lieu où la ressource est prélevée, la façon dont cette ressource est prélevée et utilisée. C'est bien le problème de la gestion de l'eau : elle implique de multiples étapes sur des territoires très larges – à titre d'exemple, l'eau distribuée à Paris vient de plusieurs centaines de kilomètres. La régie a son domaine de compétence, mais l'eau est prélevée beaucoup plus loin par des structures complètement différentes. À Vittel, cette contractualisation a été développée par une filiale de l'embouteilleur d'eau minérale. Elle a une logique économique et financière qui lui est propre, mais surtout elle a réussi à prendre un contrôle très fort sur le territoire, avec l'appui de la société mère. Aucune structure administrative ne peut aujourd'hui contrer l'implantation locale de cette filiale. La qualification de l'eau n'y changera rien. Elle a réussi à développer ses activités de façon transverse dans le domaine agricole, dans le domaine de l'eau. Elle s'est implantée dans les conseils municipaux, dans les associations « loi de 1901 », dans les instances comme la commission locale de l'eau, etc. Elle est partout implantée en tant que filiale dans toutes les structures institutionnelles et développe son activité économique sans plus que l'on puisse prendre le contrôle. Cela me semble intéressant et cela atteste du recul de l'État. Je ne suis pas certaine que l'État puisse assurer le contrôle de ce type d'activités. En revanche, le commun est une barrière. Si les agriculteurs qui ont contractualisé avec cette filiale ou ailleurs avec des instances publiques étaient invités à délibérer en toute transparence sur le développement de la ressource en eau, il serait possible de décloisonner une parole et des problématiques qui sont cantonnées dans certaines structures économiques.

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