Intervention de Marc Livet

Réunion du jeudi 8 avril 2021 à 9h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Marc Livet, hydrogéologue :

Le bassin de Volvic, qui a une surface de 42 kilomètres carrés, offre une ressource en eau, depuis un siècle, de l'ordre de 500 litres par seconde. Ce débit est toutefois sujet à des fluctuations. On a connu des bas dramatiques, entre 1945 et 1950, où la sécheresse était accompagnée d'une hausse sensible des températures. Si on avait des mesures objectives, on en conclurait peut-être que la situation était aussi dramatique qu'aujourd'hui. On a aussi connu une période extrêmement riche, entre 1973 et 1984, où l'hydrologie a atteint un niveau exceptionnel. Entre 2010 et 2020, on a enregistré une baisse significative, qui s'inscrit dans un mouvement de long terme tout en étant un peu plus marquée, par sa longueur, que les épisodes survenus entre 1945 et 1950 et entre 1989 et 1991. Cela s'est traduit par une réduction du module, autrement dit du débit moyen interannuel. Dans toute approche hydrologique, il faut s'appuyer sur les moyennes les plus longues possible, c'est-à-dire, en l'espèce, sur le chiffre de 500 litres par seconde.

Le principal préleveur est le syndicat mixte des utilisateurs d'eau de la région de Riom (SMUERR), qui utilise la galerie du Goulet. Il s'agit, non pas d'une résurgence naturelle, mais bien d'une galerie, qui a été foncée en 1923 dans une coulée à l'amont du bassin de Volvic, pour des raisons liées au débit et pour des motifs sanitaires, et qui draine gravitairement une partie de la ressource du bassin. Le SMUERR exploite l'intégralité de la ressource apportée par la galerie, soit 150 à 170 litres par seconde – 145 ces dernières années, compte tenu de la chute des débits. La Société des eaux de Volvic (SEV), quant à elle, est autorisée à exploiter 88,6 litres par seconde. Elle a augmenté régulièrement ses prélèvements entre les années 1980 et 2000, et les a stabilisés depuis lors. Par ailleurs, on peut relever quelques prélèvements insignifiants, comme celui du petit forage de Moulet-Marcenat, dans la partie haute du bassin, ainsi que quelques sources en terrain granitique sur les franges de bordure du bassin de Volvic, telles les sources du Pêcher – mais oublions-les, car elles ne pèsent guère dans le bilan global.

Quand il n'y avait pas de prélèvements, les 500 litres en question sortaient en extrémité de coulée quasiment sur une seule propriété, celle de la famille de Féligonde, par trois grandes sources : le Gargouilloux, la Pale et le complexe des sources de Saint-Genès. On retrouvait la totalité du bilan hydrologique au niveau de ces trois résurgences. Bien entendu, l'évolution des prélèvements s'est traduite par une réduction équivalente du débit des sources. Les conséquences des prélèvements se manifestent à plus ou moins long terme – on pourra en discuter – mais il est certain que ce qui se prend en amont ne peut se retrouver en aval. Au cours des trente ou quarante dernières années, les résurgences de l'aval ont donc été progressivement affectées par les prélèvements.

Si l'on se penche sur la répartition de la ressource entre le SMUERR, la SEV et les avalants, on observe que les prélèvements des deux premiers totalisent 238 litres par seconde. Or, depuis dix ans, l'évolution de la ressource a ramené le débit du bassin à environ 400 litres par seconde, ce qui ne laisse, en conséquence, qu'environ 160 litres aux avalants. La SEV ne prélève qu'environ 20 % de la ressource globale du bassin, comme le fait systématiquement remarquer Danone.

Cela étant, je ne parle ici que de moyennes annuelles. La chaîne des Puys et les dix bassins qu'elle abrite sont remarquablement réguliers – c'est peut-être une situation unique à l'échelle française. Néanmoins, ce régime hydrologique, comme tous les autres, a un étiage et des hautes eaux, dont la somme forme le module dont nous parlons. Or une analyse approximative nous amène à considérer que l'étiage fait perdre 25 % de la ressource, ramenant le débit du bassin à environ 300 litres par seconde. Compte tenu des prélèvements des deux acteurs majeurs, qui occupent une position prioritaire en amont, il ne reste plus alors qu'environ 60 litres aux avalants. La contrainte est donc extrêmement forte, car la ressource est réduite à la portion congrue. Il faut à tout prix éviter de raisonner sur la base de la moyenne, qui laisse penser que les avalants conservent une certaine ressource. Ce n'est le cas qu'en période hivernale. Cela n'est évidemment pas sans conséquences sur les milieux, la biodiversité dans les cours d'eau aval. Pour ce qui est du cas particulier de M. de Féligonde, on peut comprendre qu'il ne tienne pas à ce que ses piscicultures soient totalement asséchées quatre mois par an.

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