Pour rappel, La Réunion fait partie des territoires pouvant connaître des apports pluviométriques très importants, avec 7 600 millions de mètres cubes par an, dont 4,5 millions de mètres cubes « efficaces » (hors effets de l'évaporation et de la transpiration). En parallèle, la demande, qui oscille entre 220 et 245 millions de mètres cubes par an, se répartit comme suit :
– eau potable : 70 % ;
– agriculture : 25 % ;
– industrie : 5 %.
L'écart entre la pluviométrie « efficace » et les besoins en eau est donc considérable. Il a même tendance à s'accroître.
En dépit de ces chiffres et des investissements considérables engagés par le département, qui a engagé le projet de bascule d'une partie de la ressource en eau de l'est vers l'ouest de l'île, un déficit de pluviométrie peut affecter certaines ressources en période de sécheresse. Ainsi, l'année 2020 a été la deuxième année la plus sèche observée depuis 49 ans, date des premiers relevés. Or ces difficultés peuvent être accentuées par des rendements de réseau insuffisants.
Les compétences liées à l'eau et à l'assainissement ont été très largement décentralisées. Depuis le 1er janvier 2020, le territoire de La Réunion compte cinq autorités organisatrices dédiées à l'eau potable et à l'assainissement, qu'il soit collectif ou pas, savoir la communauté d'agglomération du Sud (CASUD), la communauté intercommunale du nord de La Réunion (CINOR), la communauté intercommunale de La Réunion Est (CIREST), la communauté intercommunale des Villes solidaires (CIVIS) et le Territoire de la Côte Ouest (TCO). La loi nᵒ 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a ainsi permis de simplifier le paysage institutionnel, puisqu'elles étaient par le passé :
– au nombre de 21 pour l'eau potable ;
– au nombre de 16 pour l'assainissement collectif ;
– au nombre de 19 pour l'assainissement individuel.
La montée en puissance des autorités organisatrices a bien évidemment été hétérogène : il n'en demeure pas moins que l'échelle intercommunale est la bonne, pour prendre en charge les compétences dans les domaines de l'eau et de l'assainissement et porter des politiques publiques cohérentes.
Plusieurs modes de gestion – régie et concession – cohabitent à La Réunion, et parfois même au sein d'une même autorité organisatrice. L'État n'intervient pas dans les choix qui sont opérés. Pour rappel, la base de données Système d'information sur les services publics d'eau et d'assainissement (SISPEA), qui intègre des notions de rendement, de tarif et de performance technique, n'a pas montré de corrélation évidente entre niveau de performance et mode de gestion.
Abordons, à présent, le plan Eau DOM. Si les compétences sont exercées par les collectivités, l'État ne peut pas se désintéresser d'un service aussi essentiel que l'est l'eau pour les citoyens. Le ministère de la Transition écologique et solidaire a ainsi initié, en 2013, le plan Eau DOM. Concrétisé en 2016, ce dernier a pour objectif d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers, concernant l'organisation des services d'eau potable et d'assainissement au sein des départements d'outre-mer. Il s'agit ici de passer progressivement d'un financement au coup par coup à un nouveau mode de contractualisation global et pluriannuel, s'appuyant sur des contrats de progrès, lesquels emportent l'implication des autorités organisatrices de l'eau et de l'assainissement, ainsi que des membres de la conférence régionale des acteurs de l'eau (CRAE).
À La Réunion, le plan Eau DOM prend appui sur le plan eau potable initié par l'agence régionale de santé (ARS) Océan Indien. Sa mise en œuvre repose sur :
– une équipe projet : elle associe la DEAL et l'office de l'eau et assure l'animation du dispositif ;
– la conférence régionale des acteurs de l'eau (CRAE) : coprésidée par le préfet, le président du conseil régional et le président du conseil départemental, elle est une instance de pilotage, à laquelle l'ARS, les financeurs et les EPCI participent ;
– les contrats de progrès : ils sont passés entre les membres de la conférence des acteurs de l'eau et les collectivités en charge de l'eau et de l'assainissement.
La CRAE se réunit trois fois par an. Le 20 juin 2018, elle a validé le document stratégique de mise en œuvre du plan Eau DOM à La Réunion, lequel expose le contexte et les spécificités réunionnaises, en matière d'infrastructures et d'organisation. Il propose quatre orientations stratégiques, destinées à améliorer la qualité du service rendu à la population.
Toutes les intercommunalités ont effectué un diagnostic de l'ensemble des services dédiés à l'eau potable et à l'assainissement. Tous les contrats de progrès, en parallèle, ont été signés. Les travaux de rédaction associés ont permis d'estimer les besoins d'investissement à environ 1 milliard d'euros pour les 15 prochaines années. Bien évidemment, cette estimation regroupe les dépenses liées à :
– la recherche et la captation de nouvelles ressources ;
– la potabilisation et le traitement des eaux ;
– la réhabilitation et le développement des réseaux d'eau potable et d'eaux usées.
L'un des intérêts majeurs du plan Eau DOM renvoie à la construction collective d'une stratégie de service par collectivité, reposant sur des indicateurs de suivi. Les services ne sont alors plus simplement confrontés à ces choix (mode de gestion par exemple), mais sont également accompagnés. Les investissements prioritaires des cinq prochaines années sont, dans ce cadre, définis et partagés.
Les contrats de progrès ayant été signés, l'enjeu est désormais de suivre et de mettre en œuvre les actions identifiées, avec la mise en place de comités de suivi au plus près de chaque intercommunalité : il est à noter que ces derniers devront également assurer la mise à jour des fiches Actions et, le cas échéant, des prospectives financières. Il conviendra de veiller :
– à ce qu'ils disposent de marges de manœuvre suffisantes ;
– à ce que s'opère un pilotage conjoint entre les présidents des collectivités ;
– à ce que les sous-préfets d'arrondissement puissent assurer le bon niveau de pilotage et de validation.
Par ailleurs, le plan de relance, qui n'est que conjoncturel, est une opportunité réelle pour accélérer un certain nombre de projets. Les travaux réalisés pour préparer les contrats de progrès permettent aux territoires de disposer de dossiers éligibles, mais également de dossiers prêts à être financés dans le cadre du plan de relance.
Pour la période 2021-2022, pas moins de 10,5 millions d'euros devraient, dans ce cadre, bénéficier à La Réunion : à date, environ 6,5 millions d'euros sont en passe d'être engagés. S'y ajoutent 3,5 millions d'euros liés à des projets préparés par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les services de l'eau.
Pour conclure, la déclinaison du plan Eau DOM constitue un outil puissant, qui permettra d'accompagner la montée en puissance des nouvelles autorités organisatrices de l'eau potable et de l'assainissement, et cela au bénéfice des habitants.