Intervention de Germain Paran

Réunion du mardi 15 juin 2021 à 14h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Germain Paran, président du Comité de défense des usagers de l'eau (CDUE) :

J'ai déjà répondu dans la presse, sur la chaîne Guadeloupe Première, et sur tous les réseaux sociaux. La plainte pour diffamation est en cours de dépôt.

Je m'attendais à ce que cette affaire prenne une tournure politique, car en 2007, j'ai déposé plainte pour gabegie contre M. Hernandez et le Syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG). Il a fallu ensuite douze ans avant que le tribunal convoque M. Hernandez. Il a finalement été condamné à trois ans de prison, dont deux ans avec sursis, pour détournements pour faux et usages de faux en passation de marchés à ses différents amis. Ces derniers ont tous été condamnés.

M. Hernandez, qui était président directeur général du SIAEAG, se permettait de voyager avec des personnes de son comité directeur, dont je vous remettrai la liste. Tous se rendaient régulièrement dans des pays sans aucun lien avec l'eau de la Guadeloupe pour dépenser l'argent des usagers guadeloupéens. Je l'avais attaqué, car j'avais compris que des fêtes et des cérémonies étaient organisées au Rosini et à l'Esperat au Gosier. Les marchés passés avec ces deux restaurants étaient conséquents, avec beaucoup d'argent déboursé en champagne, en dîners, en soirées. Ces pratiques ne me plaisaient pas. Je connais la souffrance des usagers et, en tant que président du comité, j'ai estimé qu'il était de mon devoir d'agir pour me faire entendre.

Lorsqu'il a été auditionné, M. Hernandez a bien confirmé qu'il n'était pas le seul impliqué. Devant le tribunal, il a dénoncé M. Victorin Lurel. Celui-ci l'avait fait venir en métropole pour rencontrer M. Manuel Valls, le Premier ministre de l'époque, pour signer un bon de commande visant à payer 2 millions d'euros à la Générale des eaux, sans qu'elle n'ait engagé de travaux. Lorsque la juge a demandé à M. Hernandez s'il souhaitait citer d'autres personnes, il a répondu par la négative.

Le jour de l'audition, il a à nouveau indiqué que le directeur de la Générale des eaux, M. Mercier, lui avait demandé de laisser 6 millions de mètres cubes d'eau pour la Générale des eaux, qui percevait les factures. Il a alors nommé M. Lurel et d'autres que je n'ai pas entendus. Après avoir longuement parlé et réfléchi, il a cité mon nom. J'attends que M. Hernandez et le tribunal me disent à quel moment et pour quelle destination j'aurais touché des enveloppes.

Je suis un homme intègre. Je défends les usagers depuis trente ans. Je suis seul contre tous les politiques. En 2017, j'ai déposé plainte contre les 32 maires de Guadeloupe, mais celle-ci n'a pas abouti pour le moment. J'ai aussi déposé plainte contre la communauté d'agglomération du Sud Basse-Terre, contre lequel nous avons trouvé de nombreux éléments concernant l'eau, aussi au tribunal de Basse-Terre. Je vous remettrai tous les documents en main propre.

Vous devriez demander à M. Hernandez, en tant que président du SIAEAG réunissant onze communes de la Guadeloupe, qui vendait de l'eau, à quelle époque il a commencé à faire payer l'eau sur le port autonome, aux bateaux de croisière qui prenaient des millions de mètres cubes d'eau. J'aimerais également savoir à quel moment il a facturé de l'eau à l'aéroport, à ses amis membres du comité directeur, qui étaient nombreux à ne rien payer.

J'ai aussi dénoncé le fait que les hôtels ne payaient pas l'eau. Je ne sais pas si tel est toujours le cas. De même, les collèges, les institutions de l'État, la région, la préfecture, le conseil général et le centre hospitalier universitaire (CHU) ne réglaient aucune facture. Tous leurs compteurs sont bloqués depuis vingt ans. L'hôpital doit pourtant 1,5 million d'euros. Je veux savoir à qui profite ce crime.

J'aimerais aussi savoir pour quelle raison la Générale des eaux a payé les deux camions de sang au CHU pour le compte du département. Elle faisait tout pour tous les politiques de Guadeloupe. Tous ont été servis, en petites routes, en stades de football, en terrains de tennis. L'enquête doit chercher ces éléments.

De même, la Générale des eaux fixait le prix, pour toutes les collectivités, en leur demandant leurs besoins. Chaque commune percevait de l'argent du SIAEAG. M. Hernandez le versait. Le maire de Capesterre-Belle-Eau, premier vice-président du SIAEAG, participait. M. Eddy Claude-Maurice, adjoint au maire, bénéficiait des voyages à Saint-Domingue. Le directeur de la Générale des eaux s'est rendu chez M. Hernandez à Saint-Domingue. Tous ont filmé la maison, ont visité le ranch. M. Hernandez a aussi encouragé l'ambassadeur de Saint-Domingue, M. Despradel à quitter son poste pour venir travailler pour lui à Saint-Domingue. Il était logé dans des hôtels en Guadeloupe, le week-end, à raison de 500 euros la chambre. M. Hernandez partait quant à lui à Paris dans des hôtels à 900 euros la chambre. Il n'était pas seul. Une Mercedes l'attendait devant.

L'affaire de l'eau est dramatique en Guadeloupe. Ce sera toujours le cas tant que nous ne changerons pas le fonctionnement politique qui existe depuis des décennies. Depuis la décentralisation, la mission de l'eau a été confiée à nos représentants. Ils ont échoué.

Pendant ce temps, on attaque le Guadeloupéen lambda avec des factures illicites, qu'il ne pourra jamais régler, dont certaines datent de plus de quinze ans et sont prescrites. Pourtant, il me semble que la loi no 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau stipule clairement que pour payer une facture d'eau, il est nécessaire d'avoir un compteur qui fonctionne, ce qui n'est pas le cas, la plupart du temps. Nous recevons des factures estimées et forfaitaires, ce qui permet à l'opérateur de gagner beaucoup d'argent. En effet, en cas de défaillance de compteur ou de canalisation trouée, 1 500 euros d'eau peuvent passer dans la fuite et la facture suivante sera basée sur la première, sans réparation. Au final, l'usager voit son eau coupée, malgré la loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, et la délibération du Conseil constitutionnel, qui a rappelé qu'il était formellement interdit de couper l'eau d'un usager dans sa résidence personnelle. Les opérateurs de l'eau menacent les usagers de saisie de leur compte s'ils ne règlent pas la facture. L'eau d'une maman de 90 ans a été coupée, car elle n'a pas payé 50 euros, alors que ceux qui boivent des millions de mètres cubes ne les règlent pas. Je veux savoir pourquoi l'usager guadeloupéen doit payer pour ceux qui ont échoué. Nous avons déjà payé une fois, nous ne paierons pas deux fois. Nous avons réglé des factures qui ne correspondent pas à la réalité.

J'ai aussi déposé plainte au tribunal compétent en matière de santé, à Paris. À l'époque, le ministère de l'Environnement lui-même a annoncé que l'eau était empoisonnée. Si tel est le cas, nos terres le sont également. Tous les ruissellements d'eau se dirigent vers la canalisation, avec 65 % de fuites. Les pesticides vont directement chez l'usager.

En l'absence d'eau, la pression diminue. Or, lorsque nous envoyons la pression, les compteurs tournent dix fois plus vite que lorsque l'eau est présente, ce qui augmente considérablement la facture de l'usager. Sur mon site, vous pourrez visualiser une expérience que j'ai réalisée avec deux compteurs. Ainsi, en envoyant 100 mètres cubes d'eau avec un compteur qui fonctionne, nous avons 10 000 mètres cubes avec celui qui ne fonctionne pas. Par cette méthode, la Générale des eaux, avec la complicité des élus, a toujours fait payer l'usager guadeloupéen.

Aujourd'hui, nous sommes obligés d'aller acheter des millions de bouteilles d'eau. Pourtant, la loi est claire : quand on paie un abonnement, on doit avoir de l'eau 24 heures sur 24 ; sans eau au robinet, le contrat avec l'opérateur, la régie ou le syndicat devient caduc. Au lieu d'assister l'usager, on lui envoie un huissier devant sa porte. Je n'accepte pas ce procédé.

La plainte déposée au tribunal compétent en matière de santé à Paris concernait un empoisonnement. Elle date de 2002. Si l'eau n'est pas empoisonnée, pour quelle raison avez-vous construit une usine à charbon actif ? Nous avons bloqué les routes, les mairies, la préfecture. Même avec du charbon actif, 80 % des molécules de chlordécone partent toujours dans la canalisation. Nous ne pouvons pas acheter du poison pour boire.

Par ailleurs, l'agence régionale de santé (ARS), la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DASS) ou l'Institut Pasteur sont venus nous dire que l'eau était de mauvaise qualité, que nous ne devions pas la boire, l'utiliser pour la nourriture ou la toucher. Puis 24 heures après, ils nous ont affirmé que nous pouvions nous en servir. J'aimerais savoir ce qui se trouvait dans cette eau. À quel moment la canalisation et les châteaux d'eau ont-ils été vidés et nettoyés ?

L'usager a peur et n'a plus confiance. Tant que nous aurons cette canalisation vieillissante, je dirai chaque jour à l'usager qu'il n'a pas à payer ce qui n'est pas un service. Ce liquide vital nous coûte trop cher. L'eau est le patrimoine commun de la nation. L'eau n'est pas considérée comme une marchandise. Nous devons payer un service rendu, mais s'il ne l'est pas, je demande à tous les usagers de ne pas payer.

Je demande une nouvelle canalisation, une usine de production et de distribution d'eau propre à la consommation, avec un prix qui corresponde à la réalité pour tout un chacun. Nous devons aussi avoir deux unités d'eau en cas de cataclysme naturel, une à Grande-Terre et l'autre à Basse-Terre, pour pallier les besoins de la population.

Nos élus sont seulement intéressés par le champagne, mais nous n'avons pas de cultures de champagne en Guadeloupe. Les usines de Reims ne vendent pas leur champagne en métropole, mais en Martinique et en Guadeloupe. Vous devriez mener une enquête dans les restaurants pour voir qui paye les cartons de champagne. Ce sont ceux-là même qui ont assassiné cette population, qui ont organisé des fêtes pour tromper les usagers qui cherchent encore à porter des accusations contre moi.

Je n'ai jamais rien touché. M. Hernandez doit dénoncer son comité directeur qui louait des avions entiers pour partir dans divers pays et îles, même s'ils n'étaient que deux ou trois. Je vous remettrai l'enquête de la police judiciaire. Au tribunal, j'étais le seul présent pour défendre les usagers guadeloupéens. Les cent cinquante autres associations ont été créées avec la complicité des élus. La mienne est la seule à avoir déposé une plainte. J'ai encore déposé plus de quatre cents plaintes au tribunal administratif ces jours-ci.

Que font les politiques ? Je juge l'État. Pourquoi les communes en difficulté majeure paient-elles pour les autres ? Le conseil départemental et le conseil régional paient les salaires du SIAEAG, qui a échoué, les salariés menaçant de bloquer le réseau.

Pourtant, nous avons de l'eau dans la nature. La Soufrière donne chaque jour 80 % d'eau à la Guadeloupe par les masses nuageuses, les rivières, les ruisseaux et autres. M. Ferdy Louisy était déjà vice-président avec M. Hernandez. Ils sont tous des truands devant l'éternel. M. Philippe Gustin, ancien préfet en Guadeloupe, a répété que conserver les mêmes élus ne fonctionnerait pas. Il a raison, même si j'étais en désaccord avec lui. Il était furieux quand j'ai démontré que l'État n'avait pas payé pendant vingt ans.

Il faut qu'un juge prenne cette affaire en main pour passer au crible tous ces élus qui ont touché de l'argent. Tous les élus de Guadeloupe se sont salis dans l'affaire de l'eau. Ils ont construit des maisons en Guyane, à Saint-Domingue, en Europe, ils ont acheté des villas et des terres. Les usagers guadeloupéens n'ont plus confiance.

Nous devons acheter des millions de bouteilles plastiques, qui se retrouvent dans nos rivières, dans nos ressources, en bordure de mer, même si trois usines fonctionnent à plein, entraînant de la pollution.

Je pleure très souvent, notamment quand je vois une mamie de 93 ans dont l'eau a été coupée pour une facture de 150 euros. On lui bloque sa carte et on lui demande de payer à l'hôtel des impôts pour que l'eau lui soit remise. Voilà comment agissent nos politiques.

Pour que je paie, il faudra d'abord récupérer l'argent dans les mains de ceux qui n'ont pas payé, en leur saisissant leurs biens, en cherchant l'argent du SIAEAG, des régies et des syndicats.

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