Intervention de Dominique Théophile

Réunion du mardi 22 juin 2021 à 15h00
Commission d'enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences

Dominique Théophile, sénateur de la Guadeloupe :

Vous avez souhaité m'entendre, car j'ai été cité par M. Victorin Lurel lors de son audition. Je vous remercie de m'offrir la possibilité de m'exprimer ici.

J'ai suivi un parcours professionnel atypique, pour ne pas dire exceptionnel. L'été de mes vingt et un ans, en 1981, j'ai travaillé, le temps des vacances, pour la Socea, qui appartenait alors au groupe Saint-Gobain Pont-à-Mousson, plutôt spécialisé dans la voirie. Je voulais économiser pour rejoindre mes amis d'enfance en métropole et poursuivre des études de comptabilité, ayant déjà passé l'aptitude au probatoire et obtenu mon diplôme probatoire.

En septembre, le directeur de la Socea m'a proposé de poursuivre mon activité professionnelle dans sa société qui, à l'époque, proposait à ses employés des formations en interne, notamment d'ingénieur. Mon père m'a incité à accepter. On sait de quel poids pèse la volonté du père dans la société guadeloupéenne.

En janvier 1982, la Socea m'a ainsi recruté comme comptable, affecté à la régie. À l'époque, j'apportais mes décalques chez le façonnier chargé d'informatiser la comptabilité. L'ordinateur occupait une pièce de 12 m².

Prenant au mot le directeur, j'ai demandé, pour évoluer professionnellement, un congé individuel de formation (CIF) en 1985. J'ai d'ailleurs été parmi les trois premiers Guadeloupéens à en bénéficier. Je suis entré dans une école de gestion et j'ai effectué mon stage à Rueil-Malmaison, au siège de la Société guadeloupéenne d'électricité (SGE).

De retour en Guadeloupe, en 1986, désireux d'assumer des responsabilités d'encadrement, j'ai occupé différents postes, dont celui de comptable des travaux. À l'époque, le chiffre d'affaires des travaux, et notamment de construction des canalisations, dépassait celui de la gestion de l'eau proprement dite.

Dans les années 1990, la société qui m'employait s'est lancée dans la construction de maisons individuelles. Il m'a été demandé d'en suivre la comptabilité. J'ai occupé tour à tour des postes de chargé de mission ou de recouvrement.

Vers 1992 ou 1993, j'ai fait valoir mon souhait de mobilité professionnelle, mais les pays où m'ont été proposés des postes de cadre, comme ceux que je briguais, ne m'intéressaient pas.

En 1998, le directeur de ce qui était entre-temps devenu la Sobea m'a proposé un poste de responsable administratif et financier de la filiale de travaux publics Dodin, plus précisément Dodin Guadeloupe, à Jarry (Baie-Mahault).

Dans le cadre de la formation continue, j'ai préparé un diplôme universitaire de commerce extérieur, gestion des entreprises et droit des affaires, que j'ai obtenu. Il m'a alors été demandé de mettre en place un service de contrôle de gestion. Jusque-là, ce contrôle s'effectuait au siège parisien du groupe. J'ai mis en place les tableaux de bord de suivi, calqués sur les modèles du groupe et, surtout, un suivi de l'activité des opérationnels sur le terrain, par le biais de la comptabilité analytique. Je m'en suis occupé de 2004 ou 2005 jusqu'à mon départ.

En 2016, une opportunité de quitter l'entreprise, par une rupture conventionnelle, s'est présentée à une vingtaine de salariés menacés de licenciement, dont moi-même. J'ai signé cette rupture en avril. Les autres cadres dans le même cas que moi en Guadeloupe ont rapidement retrouvé un travail auprès des collectivités locales. Le 11 avril 2017, le ministère de l'emploi a validé leur départ. J'ai effectivement quitté la Générale des eaux à la mi-juin.

J'ai été élu pour la première fois en tant qu'adjoint au maire des Abymes en 1995, alors que je travaillais donc déjà pour la Générale des eaux. Passionné par la comptabilité, dont j'avais fait mon métier, m'y consacrant toute la journée, j'ai décidé, en politique, de ne plus toucher aux chiffres et de m'occuper de mon autre passion : le sport. Champion de Guadeloupe du 1 500 mètres minimes, j'ai été médaillé aux jeux de la Guadeloupe, et gardien de but d'une équipe de football locale. J'ai été responsable des sports pendant quatorze ans au département et, durant trois ans, à la région.

Un grave accident m'avait plongé dans le coma en 1982. Heureusement, le centre hospitalier universitaire (CHU) m'a sauvé la vie. Pour cette raison, en 2001, je me suis consacré, dans le cadre de mes activités politiques, à la santé, devenant presque un référent en la matière. J'ajoute ce « presque » par humilité. J'ai été président de la fédération hospitalière de Guadeloupe pendant onze ans, et président de l'hôpital gériatrique des Abymes. J'ai ordonné sa construction en 2002, dès mon arrivée au conseil général, dix ans environ après l'achat du terrain, décidé là encore par le département.

Pendant toutes ces années, j'ai été membre des commissions dédiées à la santé et au sport. Je ne me suis pas une seule fois mêlé, de près ou de loin, aux commissions thématiques en lien avec ma profession, parmi lesquelles j'inclus les commissions traitant d'eau ou d'assainissement. En tant qu'élu, j'ai bien sûr participé aux délibérations. Je n'ai pas non plus pris la parole en public sur ces sujets, me refusant à tout mélange des genres.

Il s'en est fallu de peu que, candidat malheureux aux législatives en 2007, je sois élu sénateur en 2011. Mon élection au sénat remonte à septembre 2017.

J'ai eu vent des allégations proférées par M. Lurel dans le cadre de sa campagne. À vrai dire, cet homme est toujours en campagne. Je le considère comme quelqu'un de malfaisant. La vidéo de son audition montre un homme très embarrassé, grincheux, méchant. Il voulait en découdre. Nous le connaissons en Guadeloupe. Je n'en dirai pas plus. Il suffit d'interroger les Guadeloupéens sur ses façons de procéder.

Il a déclaré : « M. Théophile a bénéficié d'un golden hello (parachute doré) de 250 000 euros le 17 septembre quand il a été élu sénateur ». J'ai signé ma rupture conventionnelle en avril 2017, dans le cadre d'un accord d'entreprise, document de référence pour les syndicats et tout le personnel. Je suis resté trente-cinq ans et demi dans la même entreprise, malgré ses changements de nom successifs, puisque Socea est devenue Sobea, Sogea, puis la Générale des eaux, rattachée au groupe Vivendi, puis à Veolia. Les indemnités versées dans le cadre d'une rupture conventionnelle dépendent de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et de son salaire de base. À partir de là, les barèmes fixés par l'entreprise s'appliquent à tout le monde.

M. Lurel me semble transporter un container de casseroles et vouloir faire du covoiturage. Je l'ai regardé avec peine.

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