Monsieur le président, mesdames et messieurs, j'ai pris mes fonctions au ministère de l'intérieur comme chef de service du SAELSI et également de préfigurateur du service ministériel des achats (SMA), le 10 décembre 2018. J'étais jusqu'alors responsable ministériel des achats du ministère des Armées.
Le SAELSI est le service de la prescription, de l'achat et de la logistique pour les forces de sécurité intérieure. Il a été créé en 2014 avec un positionnement particulier puisque, hiérarchiquement et fonctionnellement, il est rattaché à trois directions générales : direction générale de la police nationale (DGPN), direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).
Le SAELSI compte 460 agents qui sont répartis sur Paris, sur le site Garance, rue des Pyrénées, et dans différents établissements : le Centre national de soutien logistique (CNSL) au Blanc dans l'Indre, l'Établissement central logistique de la police nationale (ECLPN) à Limoges, un établissement logistique à Jarnac en Charente, et le Centre de recherche d'expertise et de la logistique (CREL) au Chesnay.
Le SAELSI a plusieurs objectifs : la rationalisation de la fonction achat, afin de mieux répondre aux besoins des utilisateurs ; la réalisation de gains à l'achat ; une meilleure participation des forces à la définition des besoins en matériel ; l'amélioration des relations avec les fournisseurs ; la création de partenariats stratégiques ; enfin l'organisation et le développement de la supply chain, la chaîne logistique globale.
Les dépenses d'équipement exécutées par le SAELSI depuis 2014 au profit des trois forces sont un peu supérieures à 1,3 milliard d'euros.
La remontée des besoins se fait d'abord, au niveau central, par un dialogue avec chaque direction. Nous organisons des revues de projets, un comité des équipements, notamment pour la police nationale, qui est présidé par le DGPN ainsi que des groupes de travail à vocation technique et thématique.
Ensuite, nous avons un lien direct avec les unités. Récemment, plus de 400 policiers et gendarmes ont été associés à la campagne d'essais pour un véhicule “subcompact” avant de lancer le marché public, de façon à bien définir le cahier des charges fonctionnel.
Les organisations syndicales ont également un rôle important dans les remontées d'information, tout comme pour la gendarmerie le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) ; nous organisons des rencontres avec les organisations syndicales et le CFMG.
Concernant la concentration ou la déconcentration des budgets – et je ferai le lien avec la question du président sur la réforme actuelle de création du service ministériel des achats –, ce n'est pas la concentration du budget, mais la mutualisation des besoins qui est recherchée. Laisser les budgets à ceux qui les dirigent dans les programmes n'est pas une concentration des budgets, mais une mutualisation des besoins, et chaque fois que cela est possible, une standardisation.
Par exemple, les gendarmes et les policiers ont le même gilet pare-balles. Nous avons adopté un système de scratch afin de les identifier. Dans certains cas, les tenues d'intervention peuvent également être les mêmes – pour l'unité Recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) –, mais de couleur différente. Nous parlons bien de mutualisation de besoins et non pas de concentration des budgets.
Le ministère de l'intérieur s'est effectivement engagé dans la création d'un service ministériel des achats, à partir de l'effort de mutualisation que constitue pour les forces de sécurité intérieure, le SAELSI, en vue de l'élargir à l'ensemble du ministère. Aujourd'hui le SAELSI représente une mutualisation importante, mais uniquement sur le périmètre de la sécurité intérieure. L'objectif est de l'élargir à tous les achats, que ce soit dans le domaine de l'immobilier, des prestations de services à la personne ou autres… Nous envisageons même, lorsque cela sera possible, de “l'interministérialiser”. Nous pouvons très bien travailler avec certains services. Nous l'avions fait dans les années 2000 avec les douanes - il s'agissait d'une première mutualisation - pour l'achat du pistolet Sig Sauer. Nous pouvons l'envisager pour d'autres matériels comme les pièces détachées automobiles ; le ministère de l'intérieur, gros consommateur de ces pièces, a même porté un marché interministériel. Mais je pense que nous pouvons aussi le faire avec les forces armées puisque nous avons des sujets communs. Je suis bien placé pour en parler, j'ai été plus dix ans responsable des achats au ministère des armées.
Nous avons choisi de travailler à cette réforme selon trois grands processus. Le premier est d'acheter mieux. Cela veut dire travailler sur la prescription – M. Brun connaît le sujet mieux que moi, puisqu'il est un expert de la prescription –, à savoir l'analyse de la valeur, l'analyse des coûts, pour définir des cahiers des charges plus fonctionnels qu'ils ne le sont aujourd'hui, mais aussi innover et s'ouvrir davantage à la concurrence. « Acheter mieux » est un processus que nous avons choisi d'appeler dans notre organisation, le processus de la prescription.
Le second processus, c'est acheter moins cher. Il s'agit d'abord de disposer d'une sous-direction de l'achat organisée selon des thématiques car acheter des travaux n'est pas la même chose que d'acheter des armes ou des fournitures. Le code de la commande publique (CCP) traite différemment les prestations intellectuelles, les travaux, les fournitures.
Par ailleurs, acheteur est un métier très compliqué. Il faut, à la fois être juriste, connaître le CCP, et technicien, mais également savoir parler avec un architecte, quand nous avons besoin d'acheter des projets de travaux. Être un technicien de l'achat, cela veut dire connaître la négociation et toutes les techniques d'achat délivrées dans les écoles.
Le troisième processus est « acheter moins » et traiter de la logistique. C'est-à-dire que nous organisons, pour ce futur service ministériel des achats, une optimisation de la logistique – qui a déjà démarré –, avec le déploiement d'un système d'information, le Log-SI qui conduit à la refonte et à une imagination nouvelle des processus logistiques.
Par exemple, les gilets pare-balles sont maintenant stockés en un lieu unique, au Blanc. Les établissements que je vous ai cités ne sont plus des établissements police nationale (PN) ou gendarmerie nationale (GN), ce sont des établissements spécialisés. À l'ECLPN, sont stockés les kits ADN pour l'ensemble des forces. L'agence centrale automobile est basée à l'ECLPN, d'où sortent aussi bien du matériel gendarmerie que du matériel police.
Optimiser la logistique est un effort qui va nous permettre de réaliser des gains. Les gilets pare-balles ont des dates de péremption. Nous saurons désormais, quand nous referons les stockages, exactement qui porte quoi, et nous serons capables d'appliquer cette fameuse méthode first in first out, c'est-à-dire de sortir en priorité les gilets plus anciens, de façon à ce que la rotation des stocks soit totalement optimisée. D'ailleurs, cette rationalisation de la logistique avait été mise en exergue par la Cour des comptes, qui recommandait, dans son rapport de l'an dernier, de travailler sur cette question.
Enfin, le quatrième processus, qui lui aussi a fait l'objet d'une recommandation de la Cour des comptes, est le processus stratégique. Nous aurons des acheteurs familles. Inspirés par le monde de l'entreprise, les acheteurs familles sont des experts en stratégie d'achat. Ils travailleront sur la stratégie d'achat, de façon à ce que nous puissions avoir une vision sur trois à cinq ans. Un expert en immobilier devra connaître les besoins immobiliers du ministère pour les cinq prochaines années, mais il devra également être un expert de la maintenance des ascenseurs, des portails, des portes automatiques, des revêtements de façade, des fenêtres, etc.
Le SMA sera mis en place le 1er septembre prochain.