Notre effectif est, aujourd'hui composé de 5 981 personnes. Il était de 5 355 en 2016 et de 4 780 en 2007. Malgré des enjeux de sécurité importants, qui nécessiteraient davantage de fonctionnaires, cette direction a été plutôt bien dotée, suite, malheureusement, aux attentats terroristes.
La question de la simplification de la procédure pénale revient souvent dans les réflexions des policiers. Cependant, nous devons distinguer le service de police judiciaire dont la situation, à l'égard de la procédure pénale, est très différente de celle des services dits de premier niveau. Ceux qui, au quotidien, gèrent des milliers de procédures, de gardes à vue, doivent appliquer une procédure très simple, mais qui a été complexifiée.
Dans le domaine de la police judiciaire, notre objectif de recherche de la preuve, pour mettre en cause des groupes criminels organisés, des terroristes etc., nécessite que nous déployions des moyens en enquêteurs, mais également des moyens technologiques qui nous permettent, finalement, non pas de contourner l'alourdissement de la procédure pénale, mais d'avoir une approche de ces enquêtes marquée, en tout cas, par le facteur temps.
De fait, la police judiciaire est moins impactée par l'alourdissement de la procédure pénale que d'autres services ; je dois le reconnaître. Néanmoins, cet alourdissement, qui est le résultat, essentiellement, à mon sens, d'une sédimentation de réformes qui sont venues complexifier le droit, crée des effets de bord qui ont eu pour conséquence l'amorce d'un mouvement de désaffection de cette discipline. Alors que la police judiciaire était une discipline très prestigieuse et très prisée, il y a encore quelques années, le nombre de candidats ne cesse de baisser. Cette baisse de vocation est plus forte dans les services de premier niveau de la sécurité publique, dans les commissariats, que dans les services de la police judiciaire.
S'agissant de la réforme de la procédure pénale, les textes récemment adoptés et promulgués ont effectivement correspondu à des ajustements, à des simplifications – en partie demandées par nos services –, mais aucun chantier n'a été lancé en vue de remettre en cause l'équilibre général de la procédure pénale.
Or cette sédimentation est l'ennemi de l'équilibre général de la procédure pénale. L'aboutissement de l'enquête d'un policier est la garde à vue d'un mis en cause, auquel sont présentés les éléments de preuve que le policier aura rassemblés. Sans vouloir jouer au « vieux policier », il y a encore quelques années, la garde à vue était une sorte d'aboutissement de l'enquête. Aujourd'hui, ce moment est devenu pour nombre d'enquêteurs un moment de stress important puisque, dans un temps qui lui est compté, l'enquêteur se doit d'accumuler un nombre d'actes considérables qui peuvent mettre en péril tout son travail. D'un aboutissement professionnel, nous sommes passés à un moment de stress important, qui n'est pas étranger, à mon sens, à la désaffection de ce métier.
S'agissant des processus de forfaitisation de certains délits, la police judiciaire n'est pas directement concernée par cette question. Les infractions que nous combattons ne seront jamais concernées par la forfaitisation. Nous attendons néanmoins de connaître l'élargissement du périmètre de la forfaitisation dans le domaine qui nous concerne directement, à savoir le trafic de stupéfiants – point central de la criminalité organisée. Il n'y a pas de trafic de stupéfiants, s'il n'y a pas d'usage de stupéfiants ; c'est un continuum entre l'offre et la demande.
L'usage est sanctionné, aujourd'hui, par une sanction pénale qui a assez peu de sens et de lisibilité. Alors que l'usage de stupéfiant est condamnable d'une peine de prison – sans que soit faite une différence entre les produits, il ne me semble pas qu'une telle peine ait été prononcée ces dernières années. Je n'ai pas d'avis sur l'utilité ou pas d'une peine de prison. La question est celle de la lisibilité de la sanction par celui qui commet une infraction.
Je suis convaincu que la forfaitisation permettra d'apporter une réponse à la commission d'une infraction. Je suis donc favorable à son extension à un certain nombre de délits simples à établir et donc simples à pénaliser. L'extension doit être effectuée sur des critères de simplicité. La forfaitisation ne doit pas être une atteinte aux droits de la défense, au droit à un procès pénal, mais il s'agit là d'une voie très intéressante, dont les effets devront être mesurés.
Nous ne pouvons pas mener une lutte efficace contre le trafic de stupéfiants, si nous ne nous attaquons pas simultanément aux deux extrémités de la chaîne : l'offre et la demande. S'agissant de la demande, je suis convaincu que nous pouvons mener des actions à la fois préventives et répressives. Nous ne diffusons plus, depuis longtemps, de campagnes massives de prévention sur l'usage de stupéfiants. Or, si nous ne « mettons pas le paquet » sur la prévention de l'usage, nous ne pourrons nous attaquer à l'offre de façon efficace.
Aujourd'hui, la disponibilité des produits est quasiment historique. La production de stupéfiants dans le monde atteint un niveau record pour l'essentiel des produits. Or il nous appartient de combattre ces organisations criminelles, tout en étant efficaces sur la prévention de leur usage.
S'agissant de l'ordonnance de 1945, la part que représentent les mineurs dans nos missions, en matière de criminalité organisée, est très faible. Bien entendu, elle est toujours trop importante quand des mineurs de seize ou dix-sept ans sont impliqués dans des règlements de comptes. Elle est toujours trop importante, quand des mineurs sont impliqués dans des infractions de cybercriminalité. Pour autant, s'agissant du périmètre qui est le mien, l'ordonnance de 1945 ne représente pas un frein.
La question de l'ordonnance de 1945 se pose, à mon sens, pour des enfants plus jeunes et par rapport à certains points d'entrée dans la délinquance. Mon expérience sur ce sujet est désormais un peu ancienne, je crains de ne pas vous donner un point de vue qui soit d'actualité.