Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation, qui me permet de vous présenter la maison CRS.
Avan de répondre, le plus précisément possible, à vos interrogations, je souhaiterais, en quelques minutes, vous présenter l'actualité de la maison CRS. Je rappellerai tout d'abord quelle est la mission de cette direction.
Cette mission, qui est restée inchangée depuis sa création, consiste à assurer la réserve générale, nationale et gouvernementale de la police nationale (PN), que ce soit dans des missions exceptionnelles, notamment liées au maintien de l'ordre, ou dans des missions spécialisées. Des missions spécialisées qui ont évolué au fil du temps, s'adaptant aux besoins de sécurité de la société ; le développement des moyens de transport et de la civilisation des loisirs a nécessité des mesures de protection policière spécifiques.
Je pense à la police de la route, au secours en montagne ou encore à la présence policière sur les plages durant les périodes de vacances. Mais je pense aussi à l'accroissement du besoin spécifique de sécurité au profit des hautes personnalités, auquel nous consacrons une compagnie en particulier, la CRS1 – des missions au plus proche du Président de la République, du Premier ministre et d'un certain nombre de ministres, dont le ministre de l'intérieur.
Cette réserve générale et gouvernementale permet ainsi d'apporter un concours décisif aux forces de police territorialisées, là où l'ampleur des problèmes de sécurité fait que ces mêmes forces ne se trouvent pas en état, dans l'espace ou dans le temps, de gérer les problèmes d'ordre public, le phénomène migratoire ou les problèmes de violence urbaine.
Dans ce contexte, nous sommes confrontés à une double tendance problématique. La première tendance, c'est celle de l'emploi intensif. Outre le mouvement des gilets jaunes, et de la contestation sociale, au sens large du terme, les CRS sont employées à une grande variété de missions et sont, par définition, suremployées.
Ainsi, une moyenne de quarante compagnies sont employées quotidiennement, sur les soixante consacrées au maintien de l'ordre ou à la sécurisation. Elles doivent assurer trente missions permanentes de sécurité générale dans les grands centres urbains, au premier rang desquels, évidemment, Paris. Elles participent à la lutte contre l'immigration clandestine, que ce soit à Menton, au Pays basque ou à Calais, mais aussi à Paris, à la gare du Nord, qui nécessite un volume de dix compagnies. Les CRS sont également présentes, de façon permanente en Corse et dans un certain nombre de villes, au titre de la lutte contre la délinquance.
À ce suremploi des compagnies, il faut ajouter cette nécessité impérieuse qui est celle de la formation ; formations individuelles mais aussi et surtout formations collectives, qui sont la garantie d'une prestation uniforme et de qualité, nécessaire aux opérations auxquelles nous sommes confrontés. Mais il faut aussi ajouter le repos. C'est en jonglant entre ces trois impératifs, l'emploi, la formation et le repos, que nous gérons au quotidien les unités de service général.
La seconde tendance problématique, c'est la baisse continue des effectifs. En 2007, la maison CRS comptait plus de 15 000 fonctionnaires, actifs, administratifs et techniques, aujourd'hui elle en compte 12 960, pour être précis ; cela vous donne la mesure du caractère problématique de cette seconde tendance.
Toutefois, la maison CRS développe une forte capacité à diversifier ses compétences opérationnelles pour les missions traditionnelles, le maintien de l'ordre et les polices spécialisées. Au fil du temps, notamment à partir des années 1990, au motif d'une diversification des besoins de sécurité et d'intervention majeure de la part de l'État, la maison CRS a également développé des compétences en matière de sécurisation, de lutte contre les violences urbaines, de présence active contre la délinquance, que ce soit dans la périphérie des grands centres urbains ou au cœur des villes. Une présence qui s'est traduite par la création de la police de sécurité du quotidien (PSQ), à laquelle nous apportons notre contribution – comme aux unités de service général, aux unités motocyclistes et aux compagnies autoroutières.
La fin des années 2010 a vu apparaître un terrorisme très actif et très meurtrier sur notre territoire. La maison CRS s'est mise en capacité d'ajouter, à ses compétences opérationnelles, une capacité d'intervention antiterroriste, comme primo-intervenant ou comme intervenant un petit plus spécialisé, au même rang que les brigades de recherche et d'intervention (BRI) ou que les brigades anti-criminalité (BAC), en appui des groupes d'intervention spécialisés, tels que le groupe recherche, assistance, intervention, dissuasion (RAID) ou le groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).
Par ailleurs, plus de 7 500 fonctionnaires sont formés au secourisme opérationnel, les effectifs étant confrontés à des risques nouveaux, notamment de blessures graves, voire gravissime, comme la blessure par balle ou la blessure par le feu. Nous développerons également, pour le G7 à Biarritz, une capacité d'intervention nautique en complément de la capacité opérationnelle du RAID, avec lequel nous travaillons, en lien avec la marine nationale.
Cette diversification de compétences opérationnelles motive les fonctionnaires, quel que soit leur niveau de responsabilité, renforce la cohésion au sein des unités, durcit leur capacité à affronter les risques. Nous avons pu le constater lors des opérations de maintien de l'ordre, ô combien difficiles de ces sept derniers mois. La cohésion des unités due à cet accroissement des capacités opérationnelles a permis de développer des dispositifs dynamiques, offensifs et permettant d'éviter ce qui avait été annoncé, notamment pour le 1er mai, « Paris capitale de l'émeute ».
Alors quelles sont les qualités de la maison CRS qui lui permettent de faire face à ce paradoxe : un suremploi des CRS et une capacité permanente à faire face à un besoin de sécurité de plus en plus intensif et diversifié ?
D'abord, la maison CRS fait toujours preuve d'un fort sentiment d'appartenance. C'est une vraie fierté d'appartenir aux unités CRS, quelle que soit leur spécialité. Les fonctionnaires ne manquent jamais de motivation pour se mobiliser et la cohésion sur le terrain est grande.
Ensuite, l'organisation centralisée de la maison CRS. Les missions étant avant tout nationales et gouvernementales, elle ne saurait être tributaire de contingences territoriales. Les forces sont déployées sur décision du Gouvernement, du ministre de l'intérieur et du directeur général de la police nationale (DGPN), nous devons donc délivrer des prestations de haute qualité et uniforme, quelles que soient les unités engagées sur le territoire.
Enfin, un impératif de modernisation permanent que nous nous imposons, à travers les structures centrales de la DCCRS. Des réflexions prospectives sont régulièrement menées, en vue d'anticiper le besoin de formation des CRS et de développement logistique, en lien avec de nouvelles compétences.
Quelles que soient les circonstances, c'est-à-dire même au plus fort du mouvement des gilets jaunes, au moins une compagnie est en formation à éprouver les doctrines, à éprouver les différents échelons de commandement et les tactiques. Car si nous lâchons la pression en la matière, c'est la qualité de la prestation qui en pâtit, ce qui est, pour nous, inimaginable.
Je terminerai mon propos liminaire, par les perspectives et les nécessités de la maison CRS.
Premièrement, une augmentation des effectifs. S'il est déraisonnable de penser à revenir au chiffre de 2007, à savoir 15 000 fonctionnaires, en recrutant 1 000 policiers supplémentaires, nous obtiendrions, à la fois la résilience sans faille de la maison CRS, un respect absolu de ses schémas tactiques et la possibilité de mener des politiques sociales fortes – une marque de la maison. Il est important, pour un commandant de compagnie, de disposer d'un volant de policiers, qui lui donne une certaine souplesse pour permettre, notamment, à un fonctionnaire de surmonter une période difficile, en raison de problèmes familiaux, personnels ou psychologiques. Or, aujourd'hui, cette souplesse n'existe pas. L'intensité des missions de maintien de l'ordre ne le permet pas.
Deuxièmement, il est indispensable de maintenir l'effort en termes d'anticipation du risque ; risque à la fois pour nos fonctionnaires, mais aussi pour la société française. C'est grâce à cette anticipation que nous élaborons des dispositifs efficaces et adaptés au terrain, sans délai et sans permettre à ceux qui s'en prennent à nos valeurs et à notre société de pouvoir agir en toute impunité.
Troisièmement, maintenir un dialogue social constructif, ouvert et permanent, à tous les niveaux, au niveau des unités, des directions zonales et, bien sûr, au niveau de la direction centrale.
Tel est le propos que je souhaitais vous présenter, monsieur le président.