Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du vendredi 1er décembre 2017 à 9h30
Fin de la recherche et de l'exploitation des hydrocarbures — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, madame la présidente de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, je m'exprime aujourd'hui devant vous au nom de mon groupe, mais surtout au nom de la Guyane, que je représente sur les bancs de l'Assemblée nationale, cette Guyane que le Gouvernement refuse d'entendre malgré les alertes répétées et la multiplication des mouvements de contestation sur le territoire. Monsieur le ministre d'État, dans votre entreprise de communication à bas coût, vous êtes en train de faire une victime collatérale : la Guyane, et avec elle, les citoyens Guyanais ; cette Guyane qui compte pourtant déjà parmi les territoires les plus éprouvés du pays et qui est aujourd'hui littéralement au bord de l'implosion. Je rappelle que 40 000 Guyanais, soit près d'un cinquième de la population légale, sont descendus dans la rue en mars et avril derniers pour crier leur ras-le-bol de vivre dans une société où la violence est banalisée, où le chômage est endémique et où trop de jeunes n'ont aucune perspective d'avenir.

Monsieur le ministre d'État, le fameux « nou gon ké sa » des Guyanais signifie qu'ils en ont assez : assez d'être oubliés, assez d'être ignorés, assez d'être méprisés par des dirigeants enfermés dans leur tour d'ivoire parisienne, qui n'arrivent pas à se défaire des mauvaises habitudes héritées de l'époque coloniale. Je rappelle que ces habitudes consistent à imposer aux territoires d'outre-mer des décisions qui ne vont pas dans le sens de leurs intérêts, souvent prises à la va-vite et sans même leur demander leur avis. Mes chers collègues, je vous invite à ne pas tomber ce jour dans le piège qui nous est tendu et qui consiste à faire croire que la question qui nous divise est celle de savoir si nous sommes pour ou contre la lutte contre le réchauffement climatique, ou encore si nous sommes convaincus ou non qu'il faut réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Je vous en conjure, ne tombez pas dans ce piège qui consiste à opposer les supposés gentils aux supposés méchants ! Non, la question qui se pose ici est de savoir si nous pouvons ou non accepter que l'on bride le développement de nos territoires ultramarins pour se racheter une conscience sur la scène internationale et jouer aux bons élèves de la croissance verte, alors même que ces territoires sont sous-industrialisés, peu peuplés et ne participeraient que de façon anecdotique au réchauffement climatique, comme le souligne le Conseil d'État dans son avis daté du 1er septembre dernier.

La question qui se pose aujourd'hui est de savoir s'il est acceptable ou non que l'on revienne sur l'acte de décentralisation de la compétence en matière minière offshore de décembre 2000 sans même recueillir l'avis des collectivités concernées. Car imaginez une seule seconde vos réactions si le Gouvernement annonçait sa volonté de revenir de façon unilatérale, sans concertation aucune, sur une compétence décentralisée à des collectivités de l'hexagone. Vous ne l'imaginez certainement pas ; en effet cela serait difficilement concevable ! Et pourtant c'est exactement ce qui est en train de se passer au détriment des collectivités d'outre-mer, dans le plus grand désintérêt général.

Avec ce texte, nous n'assistons ni plus ni moins qu'à une sorte de chantage qui voudrait faire croire que si l'on est contre l'arrêt des recherches et de l'exploitation des hydrocarbures en France, c'est que l'on ne veut pas « sauver la planète ». J'en veux pour preuve l'affreux chantage qui a consisté, en première lecture, à supposer un lien de causalité entre, d'une part, les velléités de développement de nos territoires et, d'autre part, les malheureux événements qui ont récemment touché les Antilles et qui nous ont tous profondément attristés. Comment pouvez-vous, monsieur le ministre d'État, en conscience, laisser croire que les dispositions de votre projet de loi pourront, de près ou de loin, nous garantir contre les risques climatiques tels que l'ouragan Irma ? Comment pouvez-vous utiliser cet épisode tragique pour diviser au sein même des outre-mer et laisser sous-entendre que l'exploitation pétrolière au large des côtes guyanaises se ferait au détriment de la sûreté de nos compatriotes antillais ? Ce n'est ni bien ni responsable !

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