La décision ne m'appartient pas mais le rétablissement des contrôles a déjà été renouvelé plusieurs fois pour cause de menaces terroristes et la France a décidé de le maintenir pour la bonne organisation du G7, un événement international qui suscite des menaces de toutes natures. Cinq autres pays ont rétabli les contrôles aux frontières – Allemagne, Autriche, Danemark, Norvège, Suède – et devront, eux aussi, à peu près à la même date, décider s'ils reconduisent ou non ces contrôles – s'il n'y a pas d'attentat d'ici là.
Je précise que le rétablissement des contrôles aux frontières n'a pas été décidé en France pour des raisons migratoires, contrairement à d'autres pays, mais en vue de prévenir les troubles à l'ordre public et les menaces terroristes.
Les contrôles ont donné et continuent de donner d'excellents résultats. Plus de 80 000 personnes, entre 2017 et 2018, ont été interpellées aux frontières et renvoyées vers leur pays d'origine ; c'est une activité significative. Cette activité décroît légèrement mais nous sommes toujours sur un rythme très élevé de non-admission aux frontières intérieures.
Un grand nombre de personnes étrangères interpelées aux frontières ne sont pas identifiées ; elles ne possèdent aucun document de voyage. Nous les considérons alors comme dangereuses, pouvant représenter une menace pour l'ordre public. Nous savons, en effet, par expérience, que des personnes potentiellement dangereuses ont tenté, lors de flux migratoires, d'entrer sur notre territoire.
Ces contrôles ont également permis de détecter des personnes recherchées. Jamais auparavant, la France ne s'était dotée de moyens, à la fois juridiques et techniques, pour détecter des personnes recherchées. Les chiffres sont assez exceptionnels : en 2014, la police aux frontières a détecté 30 800 personnes recherchées ; en 2018, plus de 94 000 personnes, dont 15 400 « fichés S ». Ces chiffres justifient le rétablissement des contrôles aux frontières. En 2019, la PAF aura détecté plus de 100 000 personnes recherchées.
Nous nous sommes dotés de moyens importants, notamment humains, puisqu'une grande partie de nos effectifs, entre 4 000 et 4 500 policiers sont affectés aux contrôles aux frontières. Dès le début de l'année 2016, les données des dossiers des passagers, le système passenger name record (PNR) a été instauré ; il est aujourd'hui étendu à tous les vols extra-communautaires qui arrivent sur notre territoire, qui sont contrôlés à 100 %. Nous recevons les informations préalablement, les listes des passagers sont criblées, nous savons donc quelle personne recherchée se trouve dans quel avion. Ces informations sont, bien entendu, mises à la disposition des services de renseignement – direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)...
Par ailleurs, sous l'impulsion de la France, l'Europe a durci le code frontières Schengen. En mars 2016, un article essentiel, l'article 8-2 a été modifié et désormais, la totalité des voyageurs, qu'ils soient ressortissants des pays tiers ou de l'Union européenne, entrant et sortant de l'espace Schengen, font l'objet d'un contrôle systématique et approfondi. Nous nous sommes progressivement mis en ordre de marche pour sécuriser nos frontières et participer à la lutte contre le terrorisme.
S'agissant des frontières extérieures, les mesures prises sont appelées à durer – le code frontières ayant été modifié. S'agissant du rétablissement des contrôles aux frontières internes, une analyse du risque sera effectuée par les autorités françaises, afin de définir s'il est nécessaire, ou pas, de le renouveler. Il est très difficile de se prononcer sur cette question, même s'il est vrai qu'une période de rétablissement des contrôles aussi longue peut interroger sur la pertinence de l'espace Schengen et de la libre circulation des personnes.
L'année 2015 a donc été déterminante pour la police aux frontières. J'ajouterai que depuis l'affaire Hanachi, à la gare de Marseille, en 2017, les autorités préfectorales ont radicalement modifié leurs pratiques de prise en charge des étrangers représentant un danger pour l'ordre public. De sorte que le taux d'occupation des centres de rétention est passé de 65 % à 95 % et que nous avons dû nous adapter et augmenter nos effectifs – 460 nouvelles places ont été créées entre depuis fin 2018 et plusieurs projets de création de nouveaux centres sont en cours.
Par ailleurs, la population de ces centres a changé de nature. Elle est désormais composée d'individus souvent violents, de délinquants sortant de garde à vue ou de prison. Il s'agit d'une situation nouvelle, pour la police aux frontières. Elle n'a plus affaire à des migrants ou des étrangers en situation irrégulière dociles, mais à des individus dangereux – pour eux-mêmes, les policiers et les autres retenus. En 2018, plus de 30 % de migrants ont été blessés dans les CRA.
Des renforts ont donc été affectés, afin que la PAF puisse assurer toutes ses missions, même quand 100 % des places sont occupées. Outre la surveillance, les policiers assurent l'ensemble des présentations physiques aux juridictions – administratives, judiciaires, consulaires, Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) – et un certain nombre d'autres charges. Ainsi, 336 personnels de la PAF sont venus renforcer leurs collègues en 2018 ; un renfort qui sera poursuivi en 2019, de façon à optimiser la gestion des centres de rétention.
Toutes les missions des personnels de la PAF sont prioritaires : les frontières – immigration et terrorisme –, les mesures d'éloignement et la lutte contre les trafiquants de migrants. Plus de 10 000 trafiquants ont été interpellés en 2018, grâce notamment aux efforts réalisés en matière d'investigation de la police aux frontières dans la lutte contre les filières. En 2019, le triste record du nombre d'organisations criminelles assurant le passage, l'emploi, le logement et l'hébergement des étrangers, sera battu.
La PAF est aujourd'hui en tension sur toutes ses missions et ses effectifs. Si les effectifs ont considérablement augmenté, passant de 8 900, en 2007, à 11 482, le trafic aérien s'est également développé – avec une croissance de 5 % par an. Or la police aux frontières affecte un nombre important de ses personnels aux aéroports, parisiens et de province.
La PAF est donc en tension sur l'ensemble du spectre de ses missions. Nous ne pouvons plus parler de crise migratoire, la situation est amenée à durer, avec des évolutions des routes migratoires. La frontière franco-espagnole est davantage sollicitée depuis quelque temps par les migrants en provenance du Maroc, et concentre l'essentiel des flux vers notre territoire.