L'état des lieux que vous évoquez recouvre, en fait, des disparités importantes. La difficulté des conditions de travail est extrêmement variable selon les 188 établissements. Il faut distinguer entre les maisons d'arrêt surpeuplées d'Ile-de-France dans lesquelles les actes de violence sont nombreux et la surpopulation carcérale supérieure à 150 %, voire 200 % et certains établissements pour peine de province qui accueillent des populations calmes, des auteurs d'infractions à caractère sexuel ou une population pénale âgée qui ne posent absolument pas les mêmes problématiques de gestion de la détention. La situation sur le territoire est extrêmement variable suivant les établissements, de même que les niveaux d'attractivité des établissements. On ne rencontre par les mêmes problèmes de relations humaines dans toutes les structures.
Si la question de l'architecture des établissements pénitentiaires est importante, la question primordiale est, à mon sens, celle des moyens humains. C'est pourquoi j'ai ouvert mon propos sur le plan de recrutement. La loi de programmation prévoit des recrutements et des créations d'emplois pour accompagner les missions nouvelles. Pour la première fois, il est prévu un plan de création de 1 500 emplois pour combler les vacances dans les établissements pénitentiaires. Cet effort commence à porter ses fruits. En un an et demi, depuis le mois de mai 2019, nous sommes passés d'un taux de couverture, c'est-à-dire l'écart entre l'organigramme théorique dans nos établissements et les effectifs disponibles de personnels de surveillance dans les structures, de 92 % à 95,9 %.
Oui, nous incluons des exigences architecturales dans la conception des nouveaux établissements et dans la rénovation du parc existant. Nous intégrons le risque de projection dans la conception des nouveaux établissements. À la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis que vous avez dirigée, il n'y a pas de projections parce que les ateliers habillent le mur d'enceinte, ce qui crée un obstacle naturel aux projections dans les cours de promenade, lequel n'existe pas dans certains établissements construits dans les années 1990-2000, y compris assez récemment. L'accompagnement des mouvements figure parmi les moments à risque dans la gestion de la détention. C'est alors que le contact est direct, régulier, récurrent entre les personnels et la population pénale. Cela a aussi été intégré dans le programme immobilier type de nos futurs établissements. Nous en tenons compte également dans le parc existant.
Si des erreurs ont été commises par le passé, elle est notamment là. Il est politiquement plus facile d'afficher un programme immobilier d'investissement avec des inaugurations et des poses de premières pierres. Cela apporte une réponse au problème de fond de la capacité d'accueil du parc existant – quand il manque 10 000 places, il faut bien construire –, mais pour améliorer les conditions de détention des détenus et les conditions de travail de nos personnels, l'effort à réaliser dans la maintenance et les remises à niveau des établissements existants représente un enjeu essentiel, qui a été considérablement négligé dans le passé. Je prendrai un chiffre hors toute considération politique, puisqu'il porte sur les années 2007, 2012, 2017. On estime que le sous-investissement dans le parc immobilier existant s'est élevé à au moins 800 millions d'euros. Comme c'est le principal budget d'investissement du ministère de la Justice, quand il y a des arbitrages à opérer en fin de gestion, le plus simple est de tailler dans les crédits de maintenance des établissements, parce que dans l'immédiat, ça ne se voit pas. Mais l'effet cumulatif du sous-investissement a des effets importants en matière de sécurisation des établissements. C'est pourquoi nous essayons d'investir massivement dans les dispositifs de vidéosurveillance et anti-projections, sachant que les moyens prévus par la loi de programmation pour la maintenance du parc immobilier s'élèvent entre 110 et 120 millions d'euros par an dans les quatre années qui viennent.