Intervention de Stéphane Bredin

Réunion du jeudi 23 mai 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur la situation, les missions et les moyens des forces de sécurité, qu'il s'agisse de la police nationale, de la gendarmerie ou de la police municipale

Stéphane Bredin, directeur de l'administration pénitentiaire :

Pour ce qui est de l'attractivité des métiers, le champ d'examen de votre commission d'enquête, relatif aux moyens et aux missions des forces de sécurité, dépasse largement l'administration pénitentiaire. J'imagine que mes collègues de la DGPN, vous ont fait part de difficultés analogues. Les métiers de la sécurité intérieure sont des métiers difficiles, chacun dans ses spécificités. Nous avons commencé à parler des nôtres, à savoir, violences dans les établissements pénitentiaires, surpopulation, mauvais état matériel de certains établissements pénitentiaires, sous-effectif pendant de longues années, etc. Tout cela est connu non seulement de l'administration et du Parlement mais aussi de l'opinion publique, ce qui a forcément un retentissement sur l'attractivité de nos métiers.

Vous évoquiez le fait qu'une bonne partie des agents était affectée en région parisienne. Je dirai plus largement qu'à la sortie de l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire (ENAP), ils sont affectés dans les établissements les moins attractifs. Mais c'est une difficulté à laquelle se heurtent tous les ministères. Les professeurs commencent aussi dans les zones les plus difficiles et les policiers dans les quartiers les plus difficiles parce que les collègues installés ne sont pas suffisamment nombreux à se porter volontaires pour être affectés à Fleury-Mérogis, Fresnes et Bois-d'Arcy, ces établissements compliqués de la région parisienne, ou dans ceux de Rhône-Alpes ou de la direction interrégionale de Strasbourg, qui souffrent d'un déficit. Le sujet est moins qu'on les affecte mal mais qu'en début de carrière, on les affecte dans les établissements les moins attractifs, puisque c'est le seul moment de la carrière où on ne choisit pas son affectation.

S'ajoute, en région parisienne, la question du logement. Nous y répondons par le plan de recrutement destiné à répondre à la question du sous-effectif qui s'est longtemps concentrée dans ces établissements, ainsi que par la création de dispositifs de fidélisation, notamment par un volet indemnitaire important. On va créer, dès cette année, le premier concours national à affectation locale qui, en contrepartie d'un engagement à servir pendant six ans dans ces établissements peu attractifs, entraînera le versement d'une prime de 8 000 euros échelonné sur six ans, dont la moitié dans l'année d'installation. C'est un début de réponse à la vie chère et aux coûts d'installation peu attractifs dans ces régions.

S'agissant des détenus en souffrance psychologique dans nos établissements pénitentiaires, je n'ai pas connaissance des chiffres qui vous ont été cités. Ce sont d'autant moins des données scientifiques que les études les plus récentes remontent à 2004 sur des constats de 2002. Nous lançons une étude épidémiologique, qui est financée, pour réactualiser la connaissance sur l'état de santé mentale des personnes détenues dans nos établissements et sortir des discours un peu simplificateurs. Nous savons qu'il y a une sur-représentation de certaines maladies mentales en prison, mais cela résulte de choix sociétaux. Si des détenus se retrouvent dans cet état dans des établissements pénitentiaires, c'est peut-être parce qu'ils ne sont pas suffisamment suivis dans des établissements hospitaliers leur offrant une prise en charge adaptée.

Cela pose évidemment des difficultés spécifiques en termes de prise en charge de ces détenus. C'est pourquoi la stratégie nationale de santé élaborée l'an dernier, dont un important volet concerne les personnes placées sous main de justice, comporte un pan d'actions sur la santé mentale en prison. Nous avons rencontré, en début de semaine le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, qui vient d'être nommé. Il y aura une importante mobilisation dans les mois et les années qui viennent sur cette problématique dont on voit bien le relief qu'elle a fini par prendre au fil des années dans nos établissements pénitentiaires.

Les fouilles systématiques sont un sujet hypersensible au sein de l'administration pénitentiaire, mais il convient de distinguer la fouille des détenus et les contrôles d'accès des visiteurs. Je ne reviendrai pas sur la fouille des détenus, car j'ai cru comprendre que votre question portait plutôt sur les contrôles d'accès aux établissements pénitentiaires. Il ne s'agit pas de fouilles mais de palpations de sécurité. Au sein de la pénitentiaire, la fouille renvoie à la notion de fouille intégrale, évidemment très intrusive ; il ne s'agit pas d'imposer des fouilles intégrales à des visiteurs. Les palpations de sécurité peuvent être systématiques, dans certaines conditions, mais on ne peut jamais y contraindre un visiteur. Le visiteur qui ne veut pas s'y soumettre n'entre pas. De même, quand vous vous rendez au stade ou à la Philharmonie, vous pouvez refuser d'être palpé, mais vous n'irez pas écouter le concert ou voir le match.

Tout cela ne relève pas du domaine législatif. Le droit existant – le code de procédure pénale et les circulaires en vigueur – nécessite davantage une réactualisation qu'une refonte. Le droit permet déjà beaucoup et il faut davantage faire évoluer les directives en matière de pratique professionnelle que le droit lui-même.

Le caractère plus ou moins systématique des palpations de sécurité doit être lié au niveau de sûreté des établissements. On peut l'envisager dans une maison centrale sécuritaire qui abrite des détenus tous dangereux, mais cela n'aurait pas de sens, ni pénitentiairement ni juridiquement, de l'imposer pour les visiteurs de tel ou tel centre de détention accueillant une population sans véritable danger. Il faut adapter le caractère systématique des palpations au niveau de risque réel de la population pénale hébergée.

Les palpations de sécurité peuvent être indispensables au regard du niveau de sûreté et de risque des détenus mais des moyens techniques peuvent aussi être mis en œuvre pour éviter de recourir à ces pratiques objectivement intrusives pour les visiteurs. Je pense aux portiques et aux portails à ondes millimétriques. Une réflexion technologique est en cours au sein de l'administration pénitentiaire en vue du déploiement de dispositifs techniques à l'entrée de nos établissements. Quand vous prenez l'avion, vous trouvez dans les aéroports des dispositifs qui ne sont pas présents pas dans tous nos établissements pénitentiaires et qui sont un complément à y apporter.

Concernant la dissimulation de la radicalisation, je vous rejoins tout à fait, Monsieur le député. Il était beaucoup plus facile, il y a dix ou quinze ans, de repérer des détenus salafo-djihadistes en détention. Il suffisait de voir celui qui rendait sa télévision, qui retirait les photos au mur, qui se laissait pousser la barbe, qui faisait des appels à la prière pendant la promenade. Tout cela n'existe plus, sauf de la part de l'idiot de service. Dès le courant de l'année 2016, nous avons renforcé nos grilles de détection. Le premier enjeu relatif aux détenus radicalisés de droit commun, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas poursuivis ou condamnés pour des actes de terrorisme, c'est de les détecter. Nous avons des grilles de détection, qui ont été remises à jour et diffusées à l'ensemble de nos personnels, précisément parce que les signes extérieurs ont beaucoup évolué. La grille pour les personnels dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation n'est pas la même que celle diffusée aux personnels de surveillance qui ne sont pas confrontés aux mêmes profils et ne rencontrent pas les détenus dans les mêmes conditions, ni la même que celle dont disposent nos cadres.

Le second enjeu, c'est l'évaluation, avec le déploiement des quartiers d'évaluation de la radicalisation. Une fois qu'on a détecté, il faut être sûr du risque pénitentiaire. Nos quartiers d'évaluation de la radicalisation servent à s'assurer du niveau de risque pénitentiaire puis à prendre des dispositions de gestion de la détention : placement à l'isolement, placement dans des quartiers de prise en charge de la radicalisation ou bien retour en détention ordinaire avec une vigilance particulière, notamment de la part du renseignement pénitentiaire.

Cela suppose effectivement un effort très poussé de formation des personnels qui interviennent dans ces quartiers spécifiques qui ne gèrent que des détenus radicalisés. De telles prises en charge nécessitent une formation approfondie des équipes pluridisciplinaires - surveillants, gradés, officiers, conseillers, directeurs d'insertion et de probation – affectées à ces structures. Mais nous devons aussi sensibiliser et former l'ensemble de nos personnels à ces problématiques, sachant que le besoin n'est pas aussi poussé. Nous avons donc fait évoluer la formation initiale à l'ENAP en sorte qu'environ 49 % de nos personnels ont reçu une formation générale à la problématique de la radicalisation.

Quant aux suicides, votre question porte-t-elle sur ceux de nos personnels ou sur ceux des détenus ?

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