Je vous remercie de donner la parole aux plus vieux policiers de France – même si nous ne faisons pas notre âge. En effet, le garde champêtre traîne son bicorne ou son képi, dans nos campagnes depuis dix siècles. Connaissez-vous d'autres représentants de la force publique qui aient atteint une telle longévité ? J'en doute. Il a traversé l'histoire plutôt discrètement, sans connaître de grandes réformes. Certes, les effectifs se sont réduits depuis l'époque où le garde champêtre était présent dans toutes les communes de France. Aujourd'hui, ils sont clairsemés, sans réelle cohérence territoriale, et sont parfois affectés à des tâches sans lien avec leurs fonctions statutaires.
Le métier est asphyxié par un concours peu sélectif, un déroulement de carrière décalé, une formation inadaptée, des textes qui tirent les fonctions de garde champêtre tantôt, vers le haut, tantôt vers le bas, par des oublis incompréhensibles ou en introduisant des contradictions juridiques rendant alors l'exercice des prérogatives périlleux.
Il faut y ajouter la lisibilité déplorable de notre métier, qui peine à s'aligner sur celle de nos collègues municipaux, et ce malgré une assise historique et juridique incontestable. Les médias en dressent un tableau parfois déplorable, le temps des gardes champêtre serait révolu, sous-entendant la modestie de leurs capacités d'action.
Pourtant, la lecture de l'article 24 du code de procédure pénale démontre à elle seule la qualité judiciaire assez exceptionnelle de ce fonctionnaire territorial : pouvoir d'audition dans le cas d'atteinte aux propriétés, qu'elles soient publiques ou privées, pouvoirs liés au bois et forêts ou encore à l'environnement. Ces prérogatives permettent aux gardes champêtres de traiter un grand nombre de plaintes, en déchargeant les services de police et de gendarmerie.
Des auditions, mais également des saisies, des vérifications d'identité, l'accès aux lieux clos, le droit de suite, la mise sous séquestre ; tout cela place le garde champêtre en haut de la pyramide judiciaire des agents territoriaux composant les polices locales.
Le constat est bien sûr identique en ce qui concerne l'armement, dans la mesure où contrairement aux agents de police municipale, le garde champêtre peut être armé, à la seule discrétion du maire. Nous pouvons regretter, par contre, que les formations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) n'aient pas accompagné sérieusement ces extensions de prérogatives, leur exercice demeurant limité à quelques gardes champêtres disposant des prérequis fondamentaux.
Il s'agit d'un formidable outil de travail qui a été oublié et renvoyé stupidement à la seule image du « pandore », sans doute en raison d'une appellation décalée, à l'heure où les espaces ruraux et naturels sont gangrenés peu à peu par une délinquance qui souffle depuis les zones urbaines. Cet agent de la force publique locale doit être valorisé, replacé au cœur de la police des campagnes, aux côtés de la gendarmerie nationale et des autres acteurs spécialisés, tels que l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), l'Agence française pour la biodiversité (AFB), les gardes particuliers.
Concernant le dépoussiérage du statut, le concours, la formation initiale ou encore le déroulement de carrière, tout cela doit être sérieusement adapté aux contraintes et aux prérogatives judiciaires du garde champêtre. Il en est de même pour son environnement professionnel qui doit être modernisé, afin d'identifier et de distinguer clairement ses fonctions au sein de la collectivité territoriale.