Intervention de Charles Prats

Réunion du mardi 3 mars 2020 à 18h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Charles Prats, magistrat au Tribunal de grande instance de Paris :

Oui, mais là, on est davantage sur un blocage presque juridique, parce que derrière, le risque pénal n'est pas neutre. Vous allez peut-être découvrir que tout cela était très connu des administrations depuis très longtemps et que votre rapport, potentiellement, peut mettre le feu aux poudres et entraîner des demandes de comptes à certains.

Je crois que dans votre programme de travail, vous entendrez la sixième chambre de la Cour des comptes. Vous pouvez aussi lui poser quelques questions. Amusez-vous à aller sur les rapports de certification de la Cour des comptes, laquelle certifie les comptes de la sécurité sociale tous les ans. Cherchez si elle parle du SANDIA et des NIR frauduleux. La question de la fraude à l'immatriculation a quand même fait l'objet de quatre rapports du ministère des Finances et quatre rapports publics de la DLNF. Cela a été repris dans des rapports de l'IGF. Même le ministère de l'Intérieur en reparle. J'ai peut-être mal cherché, mais je n'ai jamais vu une seule phrase de la Cour des comptes sur cette problématique. Elle n'en a jamais parlé. D'ailleurs, je n'ai pas entendu parler du sujet des cartes Vitale surnuméraires non plus.

Si vous avez une entreprise dans laquelle 10 % des fournisseurs ou des clients n'existent pas et que l'argent est versé, normalement, le commissaire aux comptes (CAC) ne certifie pas les comptes, pas même avec des réserves. S'il le fait et que cela part en déconfiture, je peux vous assurer que le procureur va dire : « Monsieur le commissaire aux comptes, venez voir par là. Nous allons discuter deux minutes. »

Je ne comprends pas comment la sixième chambre de la Cour des comptes a pu certifier les comptes de la Sécurité sociale alors que nous avons cette problématique de fraude documentaire, alors que vous avez 12,4 millions de personnes nées à l'étranger qui touchent des prestations chaque année alors qu'elles sont censées être 8,2 millions. Je ne comprends pas comment la Cour des comptes peut certifier les comptes de la Sécurité sociale quand l'IGF et l'IGAS disent que 7 millions de personnes à l'assurance-maladie obligatoire sont prises en charge, en plus de celles qui existent, et que vous avez 8 millions de cartes Vitale actives en surnombre. Je comprends encore moins que la Cour des comptes n'en parle même pas. C'est une question grave que je pose ; je pense qu'il va falloir la leur poser. Leur mission est de certifier les comptes, de travailler. Le public et la Constitution d'ailleurs leur donnent ce rôle-là. Qu'ils travaillent et que l'on ait confiance dans leurs rapports ! De cette problématique de la fraude documentaire et du SANDIA – un « point de niche » qui concerne quand même 2,5 millions de numéros de sécurité sociale qui touchent tous les mois des prestations avec des droits ouverts –, la Cour des comptes n'a jamais parlé. Soit elle n'a jamais posé la question – il faut leur demander – soit elle n'a jamais fait ce simple contrôle de cohérence qu'un enfant de CM1 est capable de comprendre, à savoir comparer le nombre de gens qui existent avec le nombre de gens qui touchent de l'argent. Si l'on a plus de gens qui touchent de l'argent que de gens qui existent, c'est que l'on a un problème. Manifestement, la Cour des comptes n'a jamais posé la question. Peut-être l'a-t-elle et n'a pas voulu donner la réponse, mais à mon avis, c'est une bonne question à leur poser.

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