Intervention de Charles Prats

Réunion du mardi 3 mars 2020 à 18h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Charles Prats, magistrat au Tribunal de grande instance de Paris :

Oui, à l'époque, c'étaient les grandes batailles, avec M. Van Roekeghem, le docteur Fender, etc : c'est un milieu où tout le monde se connaît et traite de ces sujets depuis des années. Mais sur la branche maladie, je vous renvoie aux travaux de l' European Healthcare Fraud and Corruption Network (EHFCN), qui en 2009-2010 avait chiffré la fraude à l'assurance-maladie en France à 10,5 milliards par an, alors que la CNAM avait indiqué un chiffre de 1 % à la Cour des comptes. Cela avait donné lieu à un article dans Le Télégramme, un journal de Brest qui avait fait sa Une là-dessus. La CNAM avait contesté en disant : « Ce sont des millions, pas des milliards. Ils disent des bêtises. » Le journaliste avait dit : « C'est quand même étonnant, parce que le directeur général de cet organisme est l'agent comptable de la CNAM française ». Il s'agissait d'un taux de fraude de 5,59 %, que l'EHFCN avait réévalué à 7,29 %. Il semblerait que dans le cadre du rapport Goulet-Grandjean, la Cour des comptes ait transmis des documents : c'est toujours cette étude annuelle qui est faite par les Anglais. Ils travaillent sur l'ensemble des pays et sont sur une fourchette de 3 à 10 % de taux de fraude.

La commission pourrait entendre utilement Jim Gee, professeur associé à l'Université de Portsmouth, qui fait ces exercices d'évaluation de la fraude en matière de branche maladie. Jim Gee a cette particularité d'être l'ancien patron de l'antifraude britannique. Pour la mission Goulet-Grandjean, j'avais négocié avec lui – puisque nous travaillions avec le Conseil de régulation financière et du risque systémique (CRFRS) à l'appui de la mission – qu'il fasse une étude très précise sur la fraude française. Cela coûtait 80 000 euros, parce qu'ils font travailler des chercheurs. Si vous disposez d'un budget pour faire réaliser une étude indépendante, vous pouvez aller les voir. Si vous n'avez pas les moyens nécessaires, vous pouvez au moins l'entendre. Il avait fait une étude sur la fraude aux indemnités journalières (IJ) en France, qu'il avait chiffrée à 6,6 % sur les exercices français, il me semble. La CNAM avait tout de suite dit : « Non, on arrête tout ». Il ne fallait surtout pas en parler.

A combien s'élève la fraude par branche, pour les collectivités locales ? Nous ne le savons pas. Le taux de fraude naturel, en général, c'est 6 à 7 %. Si vous appliquez un taux de six points à 787 milliards d'euros de prestations sociales, plus les coûts de gestion par an, cela vous fait 45 milliards. C'est une estimation, on peut se dire : « Tiens, on a un sujet à 45 milliards potentiellement ».

Rendre le RNCPS obligatoire, oui, pourquoi pas ? De même pour la déclaration sociale unique, parce qu'effectivement, nous avons un trou noir par rapport à ce que touchent les gens un peu partout, bien que les présidents de conseils généraux aient accès au RNCPS, étant donné qu'ils payent le RSA.

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