Intervention de Maxence Bizien

Réunion du mercredi 15 juillet 2020 à 18h30
Commission d'enquête relative à la lutte contre les fraudes aux prestations sociales

Maxence Bizien, directeur de l'agence de lutte contre la fraude à l'assurance (ALFA) :

L'ALFA ne fait pas d'évaluation chiffrée, mais elle collecte les montants économisés et ceux payés à tort par les assureurs. Elle le fait depuis sa création, il y a trente ans, pour les assurances de biens et de responsabilité ; dans ce domaine, les assureurs ont vu l'an dernier 368 millions d'euros de fraude. Pour ce qui est des assurances de personnes, la fraude est en revanche comptabilisée depuis peu de temps – la méthodologie permettant le calcul est en place depuis 2016 ; l'an dernier, 50 millions d'euros de fraude ont été vus, mais seuls 24 acteurs ont répondu à notre collecte, contre 75 % du marché sur la partie biens et responsabilité – dans ce domaine, les équipes sont plus aguerries dans le traitement de la fraude, et disposent d'outils permettant une meilleure communication de données.

Si 50 millions d'euros de fraude ont été détectés par un si petit nombre d'acteurs, alors que la fraude à la caisse nationale d'assurance maladie est estimée à 287 millions en 2019, c'est que nous avons une belle marge de progression.

Insurance Europe fédère différentes ALFA européennes : pour l'ensemble du marché européen, et bien que les diverses situations nationales ne soient pas comparables, la fraude est estimée aux alentours de 10 % des prestations. Notre position, au sein de l'ALFA française, est un peu différente : nous considérons que nous ne pourrons jamais nous attaquer à tout l'iceberg. Quelques études universitaires anglo-saxonnes réalisent des projections sur la fraude, mais nous ne disposons pas d'un standard international correspondant vraiment à nos marchés car ceux-ci diffèrent d'un pays à l'autre. À l'ALFA, nous avons l'impression de lutter très efficacement contre la fraude à l'assurance de biens et de responsabilité lorsque 3 à 5 % des prestations payées ont fait l'objet d'une fraude ; très rares sont ceux qui peuvent se prévaloir d'un tel résultat.

Nous partons de très loin dans le domaine de l'assurance de personnes, qui se compose d'une myriade d'acteurs dont la taille et la situation varient beaucoup ; certains ne pourront jamais disposer d'un service dédié aux fraudes car ils n'en ont pas les moyens, mais aussi parce que dans leurs gènes et leur règlement mutualiste, la fraude apparaissait inconcevable. Un changement culturel est en train de s'opérer, mais cela prend du temps. Il a été question du payeur aveugle, c'est peut-être une lapalissade, mais c'est une réalité : il est très difficile pour les mutuelles de voir la fraude, d'autant qu'il n'en existe pas de définition légale en France – Mme Meiffret-Delsanto, professeur de droit, l'expliquait ici il y a quelques heures. Il faut à la fois prouver l'existence de la fraude et son caractère intentionnel. Sur des contrats d'assurance complémentaire santé à adhésion obligatoire, qu'ils soient individuels ou collectifs, rechercher une fraude à grande fréquence, pour des montants généralement peu élevés, devient un exercice très compliqué – même quand il existe une clause de déchéance de garantie, ce qui n'est pas toujours le cas car ce n'était pas l'usage pour les assurances santé, qui remboursent en complément du régime obligatoire –, d'autant que, si l'on peut se battre pour une prestation donnée, sortir le client de son portefeuille est quasiment impossible. En effet, il n'y a pas de sélection sur ces contrats ; en outre, lorsqu'ils sont collectifs, il est impossible d'en faire sortir un des assurés.

La fraude s'élève donc à 368 millions d'euros pour les assurances de biens et de responsabilité, et à 50 millions pour les assurances de personnes. Pour la combattre, la marge de progression est très importante ; tous les acteurs sont prêts à investir en ce sens, mais ils ne peuvent pas le faire seuls. Ainsi, l'ALFA n'a pas le droit de travailler avec le numéro d'inscription au répertoire (NIR), c'est-à-dire le numéro de sécurité sociale. Certes, cela ne pose pas de problème particulier puisque les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) peuvent utiliser ce NIR dans le cadre de leur relation avec les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).

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