On le voit également pour la fraude à l'assurance automobile, qui amène à de faux constats et à de faux blessés. Nous venons de traiter un dossier d'ampleur remontant à 2018, et renvoyant à plus de 700 sinistres : à partir d'un accident qui a pu réellement avoir lieu, on invente de faux blessés, qui n'étaient absolument pas présents dans le véhicule au moment de l'accident ; le constat qui arrive chez l'assureur évoque la présence à bord de quatre passagers, tous censés avoir souffert du coup du lapin. Certains cabinets d'avocats se spécialisent dans ces fraudes et promettent 5 000 à 7 000 euros par tête et par coup du lapin. Je ne sais pas si ce dossier comportait des ramifications extraterritoriales, mais le modèle a été dupliqué depuis le sud de la France jusqu'en région parisienne. Les fraudeurs, eux, collaborent bien entre eux et apprennent les uns des autres.
Il y a certes de plus en plus de fraude en bande organisée, mais c'est peut-être que nous la détectons mieux – il faut aussi le dire, nous ne sommes pas si mauvais… On assiste à une véritable professionnalisation de la fraude, qui utilise désormais tous les artifices possibles et imaginables : faux documents, comptes bancaires parfaitement en ordre menant par rebond vers des paradis fiscaux ou des pays sur lesquels nous n'avons aucune prise. J'ai en tête l'exemple d'un seul individu ayant effectué 732 opérations de chirurgie dentaire en dix mois ; dans le cadre du régime obligatoire, l'ensemble des organismes sociaux ont payé via le flux NOEMIE, pour une somme totale de 257 000 euros. Le compte sur lequel les prestations étaient versées était impeccable ; il servait de relais vers un autre compte localisé en Grande-Bretagne. Par bonheur, nous avons été réactifs et la BRDA, dont je salue tous les jours le travail, nous a suivis ; cette personne a été condamnée en mars 2020 par la juridiction de Bobigny à trois ans de prison dont deux fermes, et à rembourser la CPAM et les différents organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) qui étaient intervenus sur ce dossier. Grâce à notre réactivité, toute la chaîne a suivi et nous sommes parvenus à entrer en relation avec la CPAM concernée ; elle nous a affirmé que les flux étaient normaux, se gardant bien de nous dire qu'il y avait un problème de son côté, mais elle s'est ensuite empressée de remettre de l'ordre dans cette affaire et s'est constituée partie civile au procès. C'est un bon exemple de collaboration entre les services qui a permis d'aller vite et d'apporter une réponse efficace à la fraude. Heureusement, il y en a d'autres.