La BCSS coûte entre 14 et 15 millions d'euros par an. J'ai fait des études de droit et d'informatique ; sa conception était le sujet de mon mémoire de fin d'études, pour lequel j'ai reçu un prix scientifique. On m'a alors demandé de la créer ; nous avons commencé en 1986 – j'ai installé moi-même le premier programme –, et le système était opérationnel en 1990-1991. Nous avons ensuite progressivement simplifié toutes les procédures, et les principaux éléments de la structure actuelle étaient prêts en 2002-2003. Il a donc fallu une quinzaine d'années pour tout mettre en place. Depuis vingt ans, on m'a régulièrement confié de nouvelles missions pour appliquer ce modèle dans d'autres domaines : j'ai créé un système comparable pour l'État fédéral, pour le secteur de la santé, et je suis en train de le faire pour la justice ; je m'occupe également du suivi des contacts dans le cadre de la crise du coronavirus.
La carte contient le numéro unique qui permet au porteur de prouver son identité, mais ce n'est pas parce que l'on n'a pas la carte sur soi que l'on ne peut y accéder – nous ne voulons pas d'un fossé digital. Les enfants de moins de douze ans ont une carte en plastique sans puce ; à partir de douze ans, la carte d'identité électronique est obligatoire et tout le monde en dispose. Le numéro unique, lui, est créé juste après la naissance ; il est d'emblée utilisé comme clé d'identification.
J'ai eu la chance d'être sollicité pour créer ce système à 24 ans, et on m'a nommé administrateur général de l'institution à 29 ans. On s'est jeté à l'eau, et le travail s'est effectué en coopération avec l'ensemble des instances concernées. De tels changements nécessitent d'instaurer un climat de confiance, dans lequel le projet est mené à bien de manière collective. Ainsi, eHealth, dont personne ne voulait se servir à l'origine dans le domaine de la santé, voit s'échanger 17 milliards de données après dix ans d'existence. Il faut que le système soit transparent quant à ses attributions, et qu'il fasse l'objet d'un contrôle étroit en matière de sécurité de l'information – c'est à cela que servent le CSI et l'APD. Ses avantages doivent par ailleurs apparaître clairement : il est compréhensible que les gens ne veuillent pas donner plusieurs fois la même information à différentes institutions de sécurité sociale, ou qu'un patient qui a subi un jour un choc allergique vis-à-vis d'un médicament souhaite éviter qu'un autre médecin lui prescrive le même type de médicament cinq ans plus tard. Pour cela, il faut échanger de l'information, et le faire de manière pertinente.
La BCSS et eHealth sont gérés par les représentants des personnes sur qui on échange de l'information. C'est selon moi un élément crucial. Il est impossible de mettre en œuvre un tel projet en un ou deux ans ; cela nécessite de la continuité, donc de n'être pas trop lié à la situation politique d'un moment donné. J'ai travaillé pour des ministres libéraux, socialistes ou chrétiens démocrates, flamands ou wallons… Le comité de gestion de la Banque Carrefour ne dépend donc pas directement d'un ministère ; il est composé de représentants des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants – les syndicats –, des entreprises et des organismes de sécurité sociale. Ce sont eux qui déterminent nos priorités, ce que l'on fait et comment on le fait. C'est la même chose dans le secteur de l'e-santé ; c'est une autre institution, mais elle est pareillement gérée par les représentants des médecins, des hôpitaux, des kinésithérapeutes, des pharmaciens, des mutuelles et des institutions publiques de santé. Ces deux organismes sont contrôlés de façon structurelle et font l'objet d'une évaluation régulière ; je suis moi-même évalué chaque année par les clients – ceux sur qui on échange de l'information –, ce qui constitue une forme de garantie.
Nous sommes une plateforme informatique ; nous ne produisons plus de rapports annuels sur papier, mais nous tenons à jour en permanence le fonctionnement de notre institution sur un site web très étendu, qui décrit de manière très détaillée tous les échanges d'informations – plus de 15 000 pages de documentation sont disponibles à ce propos.