Intervention de Julie Pétré

Réunion du mercredi 24 novembre 2021 à 17h00
Commission d'enquête chargée de rechercher d'éventuels dysfonctionnements de la justice et de la police dans l'affaire dite sarah halimi et de formuler des propositions pour éviter le cas échéant leur renouvellement

Julie Pétré, magistrate :

Merci M. le président. J'espère que mon intervention sera à la hauteur de vos attentes et de celles de la commission puisque ma participation dans ce dossier est très limitée.

Pour que la commission comprenne bien dans quel cadre s'inscrivait mon action en avril 2017, il m'apparaît utile de vous exposer brièvement le fonctionnement du parquet de Paris à cette époque. Le parquet de Paris, composé de 135 magistrats, était dirigé par le procureur François Molins. Il est organisé en six divisions, chacune dirigée par un procureur adjoint, dont chacune comprend plusieurs sections chargées d'un contentieux particulier. Les magistrats du parquet de Paris sont relativement spécialisés au sein de leur section. Chaque magistrat du parquet, quel que soit son grade, substitut, vice-procureur, procureur adjoint, représente individuellement le procureur de la République. Tous ont le même pouvoir que celui-ci s'agissant de la conduite des enquêtes. Par ailleurs, ils agissent en son nom, suivant l'article 39 du code de procédure pénale.

En avril 2017, j'étais substitut au sein du parquet de Paris et plus particulièrement au sein de la section P12, chargée du traitement en temps réel des affaires qui concernent les majeurs uniquement. Les magistrats de cette section avaient la charge des crimes et délits en flagrance sur le ressort de la juridiction parisienne. Je parle au passé, car je n'en fais plus partie aujourd'hui et je ne veux pas en être le porte-parole, mais son organisation est ainsi. La section était composée de quatorze magistrats, les substituts et les vice-procureurs, dirigés par un vice-procureur assisté par son adjointe également vice-procureur. Le pendant de la section P12 au sein du parquet de Paris est la section P20 qui s'occupe du même type de contentieux, mais à un autre stade, lorsque les affaires ne sont plus traitées en flagrance, mais lorsqu'elles font l'objet, soit d'une enquête préliminaire, soit d'une ouverture d'information judiciaire. L'organisation de la section P12 chaque jour était la suivante : trois magistrats chaque jour de permanence téléphonique délictuelle classique, deux magistrats chargés de la qualification des dossiers après les traitements par la permanence et les déferrements des mis en cause, deux à trois magistrats, selon les jours, chargés des audiences (des comparutions immédiates et des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité) et un magistrat de permanence criminelle.

Le magistrat de permanence criminelle va vous intéresser particulièrement puisqu'il gère tous les crimes survenant dans la capitale, et qui ne dépendent pas d'une autre section spécialisée du parquet de Paris. Il a en charge les homicides, les assassinats, les morts suspectes, les viols et les vols avec armes lorsqu'ils ne relèvent pas de la criminalité organisée. Il suit également les faits délictuels qui présentent un caractère d'une certaine gravité : enlèvement, séquestration, homicide involontaire, faits sériels, violences extrêmement graves, violences urbaines et les affaires dites sensibles ou signalées que sont les menaces et les appels malveillants sur des personnalités, les alertes à la bombe, les incendies graves ou les affaires ayant une dimension médiatique comme le décès d'une personnalité et les événements de masse (manifestations, fête de la musique, Saint-Sylvestre…).

Par la nature des crimes dont il est saisi, ce magistrat se déplace fréquemment sur des scènes de crimes dès qu'il en est avisé. Il a donc une connaissance précise et pleine de la situation qui lui permet de décider de la conduite à tenir. Généralement, les décisions importantes immédiates à prendre vont être la saisine du service d'enquête, à savoir quel service va être saisi de ces faits, et, avec les enquêteurs, de décider des premiers actes d'enquête qu'il convient de faire. Contrairement aux autres postes de la section P12 qui ont un roulement quotidien, le magistrat de permanence est en place soit du lundi neuf heures au vendredi midi, soit du vendredi midi au lundi neuf heures, jours et nuits. Le relais se fait donc deux fois par semaine en présence du chef de section le lundi et à l'occasion d'une réunion de l'ensemble du service le vendredi, ce qui permet de faire circuler l'information sur les affaires importantes en cours.

Concernant la prise en compte du crime de Sarah Halimi, les faits sont commis le vendredi 4 avril au petit matin. Le magistrat de permanence criminelle est avisé, se rend sur la scène de crime et procède à la saisine du service enquêteur et fait diligenter les premières investigations. Je n'étais pas de permanence criminelle ce jour-là. Je reprends la permanence criminelle et donc le suivi de l'enquête, trois jours plus tard, lundi 10 avril.

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