La décision de proroger l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence a été prise par le Président de la République à la suite d'un Conseil de défense et de sécurité nationale tenu consécutivement à l'attentat qui a été commis à Manchester : on voit bien que le temps de la loi est scandé par les faits.
Il s'agit de proroger l'état d'urgence jusqu'au 1er novembre 2017, pour en sortir ensuite dans le cadre d'un deuxième texte visant à renforcer la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Les deux textes ont été déposés le 22 juin au Sénat, qui a adopté hier celui que nous examinons ce matin.
Selon la formule retenue par le Conseil d'État, l'état d'urgence est un régime de pouvoirs exceptionnels ayant des effets qui, dans un état de droit, sont par nature limités dans le temps et l'espace. À nos yeux, la sortie de l'état d'urgence dans des délais raisonnables est donc un des objectifs des politiques de sécurité à mettre en oeuvre.
Le péril, qui est l'élément fondateur, est-il encore réel et imminent ? Oui, sans conteste, comme le montrent les faits récents.
Le 18 mars dernier, à l'aéroport d'Orly, c'est ainsi à une patrouille de militaires que s'en est pris un individu armé d'un revolver à grenaille. Il a été abattu. Le 20 avril, sur les Champs-Élysées, un équipage de policiers a été pris pour cible par un individu armé, qui a tué un policier et blessé trois autres personnes. L'individu a lui aussi été abattu. Le 6 juin, un individu a attaqué un policier aux abords de Notre-Dame de Paris avant d'être neutralisé par un tir de riposte. Environ un millier de personnes ont accessoirement été confinées dans l'édifice religieux. Le 19 juin, toujours à Paris, un individu a attaqué un escadron de gendarmerie, avant de trouver la mort dans l'incendie du véhicule utilisé. Les démineurs ont découvert dans l'habitacle une carabine de calibre 7.62, ainsi que 28 chargeurs. L'individu était titulaire d'un permis de port d'arme.
Il faut aussi mentionner plusieurs faits récents qui se sont déroulés, pour l'essentiel, sur le territoire britannique. Une double attaque terroriste, à la voiture bélier et à l'arme blanche, s'est ainsi produite à Londres le 22 mars, sur le pont de Westminster. Outre l'assaillant, cinq personnes ont été tuées. À Manchester, le 22 mai, un attentat commis à la sortie d'un concert a causé la mort de 23 personnes. À Londres, cette fois sur le London Bridge, trois djihadistes ont foncé sur une foule de piétons avec leur camionnette, le 3 juin, avant d'attaquer des passants à l'arme blanche dans le quartier voisin de Borough Market. Cet attentat a causé 7 morts et une cinquantaine de blessés.
Le maintien d'un péril imminent est l'élément déterminant qui a conduit à ce projet de loi, dont le nombre d'articles est d'ailleurs très restreint : il est impératif d'éviter toute rupture dans la protection due à nos concitoyens.
L'article premier proroge l'état d'urgence jusqu'au 1er novembre 2017. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur les nombreuses adaptations qui ont été apportées à la loi de 1955 à l'occasion des précédentes prorogations.
Il peut être mis fin à l'état d'urgence par décret en Conseil des ministres avant l'expiration du délai prévu. Ce sera naturellement le cas si la nouvelle loi, que j'évoquais, entre en application avant le 1er novembre 2017, cette date n'ayant pas vocation à être maintenue dès lors que la protection de nos concitoyens sera assurée par le deuxième texte. Dans ces conditions, il en serait rendu compte au Parlement.
L'article premier autorise expressément les perquisitions ordonnées par le préfet. C'est en effet une disposition qui doit être confirmée à chaque prorogation de l'état d'urgence et nous n'y dérogerons pas.
Afin d'éviter toute ambiguïté, le Sénat a précisé que l'état d'urgence était prorogé à compter du 16 juillet.
L'article 2 concerne les interdictions de séjour. Il s'agit de tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel du 9 juin dernier, dont l'effet a été différé au 15 juillet. Le Conseil a considéré que les dispositions relatives aux interdictions de séjour étaient insuffisamment précises, notamment parce que la loi visait toutes personnes cherchant à entraver l'action des pouvoirs publics et que le périmètre de l'interdiction pouvait inclure le domicile et le lieu de travail. Le Conseil constitutionnel a jugé que l'équilibre entre l'objectif de sauvegarde de l'ordre public et le droit à une vie familiale normale n'était pas atteint.
C'est pourquoi le Sénat a adopté un amendement, à l'initiative du Gouvernement, visant à apporter les mêmes garanties que celles existant déjà dans le cadre des assignations à résidence et des perquisitions. L'interdiction de séjour pourra ainsi être prise à l'encontre de « toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ». Par ailleurs, il est prévu le même régime juridique que pour les interdictions de circulation et les zones de protection ou de sécurité. Il faudra notamment tenir compte de la vie professionnelle et familiale.
L'article 3, introduit à l'initiative du Sénat, prévoit l'extension de ces dispositions aux collectivités régies par le principe de spécialité législative, les îles Wallis et Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie et les Terres australes et antarctiques françaises.
Je conclurai sur la mise en oeuvre des principales mesures de l'état d'urgence depuis sa dernière prorogation. On dénombre ainsi : 62 assignations à résidence en vigueur ; 161 perquisitions administratives ordonnées ; 48 interdictions de séjour ou d'accès ; aucune remise d'armes ; 5 fermetures de sites ou de lieux de réunion ; 2 148 contrôles d'identité ou fouilles de bagages et de véhicules ; 15 interdictions de manifestation ou restrictions de circulation ; 19 zones de protection ou de sécurité.