Intervention de François Molins

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 14h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

François Molins, procureur général près la cour de cassation :

On fait dire beaucoup de choses aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. Quel que soit le degré d'indépendance du magistrat du parquet, ce ne sera jamais un juge mais un organe de poursuite. C'est quelqu'un qui porte une accusation et qui, dans le cadre du procès équitable, verra toujours son action et son statut limités. Nous avons tout de même eu quelques avancées en matière d'indépendance. Vous avez raison de rappeler que, le 12 décembre, la Cour de Justice de l'Union européenne a estimé que, compte tenu de la loi du 25 juillet 2013, le parquet français pouvait être considéré comme indépendant et donc tout à fait habilité à décerner un mandat d'arrêt européen, dans la mesure où il ne peut plus recevoir d'instructions individuelles du pouvoir politique et où il peut apprécier en toute indépendance la proportionnalité de la mesure envisagée.

La première chambre civile de la cour de cassation a rendu une autre décision dont on parle moins. Selon le code de procédure civile, seule une autorité judiciaire peut requérir l'âge osseux d'un mineur isolé. À la question de savoir si le parquet français était une autorité judiciaire, la cour de cassation a répondu « oui ».

En outre, une décision prise par la Cour de justice de la République inscrit le schéma institutionnel entre les parquets généraux et l'autorité politique dans un cadre très particulier, montrant bien que l'autorité politique ne peut pas faire n'importe quel usage des informations qui lui sont remontées.

Comme je le disais au début de mon propos, je considère qu'il y a un monde d'avant et un monde d'après la loi du 25 juillet 2013. Elle permet aux parquetiers de travailler en toute impartialité et indépendance, au-delà des polémiques sur le statut.

La création du procureur européen conduira à la coexistence de deux modèles très différents. Le parquet européen vise un objectif de totale indépendance résultant d'un consensus européen. Nous allons donc voir coexister dans la procédure pénale française deux schémas tout à fait différents : d'un côté, le parquet français, caractérisé par une absence d'instructions individuelles mais le statut que l'on connaît et une procédure pénale qui l'oblige à requérir et à aller vers un juge d'instruction dès que l'affaire devient trop complexe, et, de l'autre côté, un procureur européen qui aura des pouvoirs d'instruction et qui ira vers le juge des libertés et de la détention chaque fois qu'il faudra accomplir un acte attentatoire aux libertés. Maintiendra-t-on les deux schémas ou la procédure ira-t-elle dans un sens ou dans l'autre ?

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