La presse exerce une forte pression au travers du suivi des dossiers. Nous avons besoin cependant de la presse, que d'aucuns ont qualifiée de « chien de garde de la démocratie ». Le journaliste d'investigation met parfois le doigt sur des informations permettant d'engager des investigations dans le champ pénal. Résister à cette pression est un exercice complexe. Je disais toujours : communiquer, c'est aussi savoir se taire. Il y a des affaires dans lesquelles on a intérêt à parler et d'autres dans lesquelles on n'y a pas intérêt. Je pense qu'un juge d'instruction n'a jamais intérêt à parler. À partir du moment où il parle, il se met en difficulté, et c'est forcément une entorse à son devoir de réserve de nature à mettre en cause son impartialité. Le procureur peut parler mais le juge doit s'abriter derrière celui qui peut communiquer sur les éléments objectifs de la procédure.
Il faudrait, pour améliorer les choses, une meilleure formation. L'école nationale de la magistrature a fait un très important travail depuis une vingtaine d'années. Elle organise, dans le cadre de la formation continue, des séances de média-training avec des journalistes pour habituer les procureurs à s'exprimer. Des progrès ont été accomplis. Les procureurs apparaissent d'ailleurs beaucoup plus à la télévision qu'il y a vingt ans et cela va dans le bon sens.
Il faudrait les y aider. À Paris, j'avais la chance d'avoir un magistrat chargé de la communication à temps plein. Je me suis toujours demandé comment certains de mes collègues parvenaient à travailler avec les journalistes en sus de toutes leurs occupations. Si on voulait aider les procureurs français, il faudrait, au moins pour les dix ou douze juridictions les plus importantes, qu'ils aient auprès d'eux un chargé de communication à même de répondre aux journalistes. Il n'y a pas de plus mauvais effet qu'un journaliste qui téléphone à un parquet et qui n'obtient pas de réponse. C'est toutefois un exercice difficile, dans lequel il faut être extrêmement attentif à ce qu'on dit.