Intervention de François Molins

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 14h30
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

François Molins, procureur général près la cour de cassation :

Je pense qu'on vit dans un monde où on parle trop et à tort et à travers. Le secret n'a malheureusement plus aucun contenu. Le secret de l'instruction et le secret professionnel ont un sens. J'ai vécu cela pendant sept ans. Quand j'étais à Paris, j'étais habilité « secret-défense ». Le secret-défense est une nécessité parce que certains éléments ne peuvent pas tomber entre toutes les mains et méritent d'être protégés en raison des intérêts supérieurs de la sûreté de l'État et du pays. C'est le cas dans tous les pays et nous ne sommes pas celui qui en fait le plus. Les États-Unis ont une approche du secret bien plus conséquence que la nôtre.

Je ferai une réflexion personnelle qui n'engage que moi. Nous vivons dans un monde dominé par la théorie du complot. Je l'ai constaté dans nombre de procédures à Paris où, derrière des faits commis se profile toujours la conviction qu'il y a des choses inavouables à ne pas partager avec les concitoyens. Si le secret-défense est une nécessité absolue, il faudrait parfois avoir une appréciation plus nuancée des éléments à classifier. À plusieurs reprises, après avoir obtenu la déclassification de certains dossiers, nous nous sommes bien demandé pourquoi ils l'avaient été. La classification peut alimenter la théorie du complot. Des aménagements pourraient être apportés au secret-défense, même si certaines choses n'ont pas à se trouver sur la place publique, parce qu'elles conditionnent de trop graves intérêts supérieurs.

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