Intervention de Jean Castex

Réunion du mercredi 22 novembre 2017 à 10h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean Castex, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 :

L'examen du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024 sera le premier acte de la mise en oeuvre de la décision prise par le Comité international olympique (CIO) à Lima, le 13 septembre dernier, de désigner Paris, en réalité la France, pour organiser les jeux Olympiques d'été, cent ans après l'édition de 1924, et cela après plusieurs candidatures infructueuses dans un passé récent. Nous pouvons considérer ensemble qu'il s'agit d'une excellente nouvelle pour le pays tant les jeux Olympiques représentent un événement de portée considérable. Il n'en faudra pas moins identifier les risques éventuels pour les maîtriser.

Il est raisonnable d'envisager, en fonction des précédentes éditions, que près de 11 millions de personnes assisteront aux épreuves olympiques et paralympiques. Ce chiffre est à rapporter au nombre de spectateurs lors de la coupe du monde de football de 1998 : 2,9 millions – ce qui était déjà considérable.

Nous devrons nous doter d'un outil transparent permettant à tous les acteurs – au premier rang desquels la représentation nationale – de mesurer l'impact de ces jeux sur le tissu économique et social national. Cet impact est pour l'heure estimé à environ 10 milliards d'euros et 150 000 emplois. Cet événement exceptionnel participera de l'image de marque de la France dans le monde, ce qui explique l'implication des plus hautes autorités de l'État, à commencer par le Président de la République, tant pendant la phase de candidature que pour celle, qui commence, de la mise en oeuvre.

Ensuite, le CIO, qui désigne à chaque fois le bénéficiaire de l'organisation des Jeux, connaît essentiellement le mouvement sportif français, qu'incarnera le COJO, ainsi que la ville hôte, en l'espèce Paris. Un contrat a été signé entre le président du CIO et, comme pour toutes les éditions précédentes, la ville hôte et le mouvement sportif, ici le CNOSF. L'État, vous l'aurez observé, mais ce n'est pas propre aux JO de Paris, n'est pas partie directement à ce contrat, même s'il est bien entendu très directement intéressé, d'abord parce qu'en France l'État c'est l'État, ensuite parce qu'il dispose du pouvoir régalien de faire la loi ; or, nous allons-y venir, pour réussir les jeux Olympiques et tenir les engagements pris auprès du CIO – condition d'attribution des Jeux –, il faut prendre des dispositions législatives et réglementaires. Ce mécanisme est celui des JOP en général.

L'originalité du dossier français est qu'il est rattaché à la notion d'héritage. Autrement dit, nous devons à la fois préparer et réussir les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, mais aussi faire en sorte que tout ce que nous prévoyons à ce titre aura, dans toute la mesure du possible, un caractère pérenne. Il s'agit d'éviter ce qui a été constaté à l'occasion d'éditions précédentes : on a construit des équipements importants, calibrés pour les Jeux, mais sans avenir, ce qu'on appelle communément les « éléphants blancs ».

Or le dossier français est original en ce qu'il repose sur quelque 95 % d'équipements déjà existants même si, bien sûr, il faudra les rénover et les adapter à l'exercice olympique. Le plus important et le plus connu est le Stade de France. Pour le reste, ce qui va être construit, avec appel aux deniers publics, par l'entremise de l'établissement public Solideo, devra pouvoir être utilisé après 2024. En outre, je tiens à souligner que l'essentiel des équipements se situent en Seine-Saint-Denis, c'est-à-dire dans un territoire dont je pense que personne ne contestera qu'il a besoin de la solidarité nationale pour se transformer et se développer.

La conception même de la cité olympique et paralympique qui hébergera les athlètes doit permettre sa reconversion, au lendemain des Jeux, en logements – dont une partie en logements sociaux –, en équipements publics, en immeubles de bureaux, donc permettre son insertion dans le paysage urbain. Nous allons par ailleurs construire un « village des médias » à côté du Bourget pour accueillir les milliers de journalistes qui viendront pour l'occasion. Là aussi, le village devra se transformer pour servir la population locale après 2024. Il s'agit d'un point très fort de l'architecture du dispositif, l'établissement public qui va livrer ces ouvrages garantissant que la somme d'un milliard d'euros d'argent public servira certes pour l'organisation des Jeux mais aussi pour la pérennisation des équipements après les Jeux. Cette assurance de satisfaire l'exigence du CIO en la matière a apporté à la candidature française une incontestable plus-value.

Par ailleurs, la volonté de toutes les parties – ce tripode composé du mouvement sportif, des collectivités territoriales, au premier rang desquelles, évidemment, la ville de Paris, et de l'État –, au-delà de l'héritage, est d'organiser des jeux Olympiques exemplaires, tout d'abord en matière de respect des règles d'éthique et de transparence. Nous verrons que le projet de loi soumis à votre assemblée comporte des dispositions importantes à cet égard mais il y en aura d'autres, notamment dans les statuts tant du futur COJO que du futur établissement public Solideo. Nous voulons également des jeux Olympiques exemplaires au plan sociétal et environnemental, par la qualité des constructions, par le recours à des entreprises et à une main-d'oeuvre locales – parce qu'il faudra construire de nombreux ouvrages.

Notre entreprise se veut mobilisatrice : je rappelle que le nombre de bénévoles qui pourraient être concernés par l'exercice est évalué à 70 000, ce qui est considérable et supposera un encadrement spécifique.

Autre enjeu que je me contenterai d'évoquer : Paris et la région capitale – je mentionnais tout à l'heure la Seine-Saint-Denis – vont bénéficier fortement des jeux Olympiques et Paralympiques ; or il nous appartient de faire en sorte, comme l'a rappelé le Président de la République, qu'ils soient aussi les jeux de la France et que les retombées et la mobilisation ne concernent pas qu'une partie du territoire. Compte tenu des sommes en jeu, des difficultés qui existent d'ores et déjà entre les régions et les centres urbains les plus dynamiques d'une part, et le reste du pays de l'autre, notre défi, c'est que les jeux Olympiques ne viennent pas aggraver cette fracture mais concourent au contraire à la résorber. C'est évidemment plus simple s'agissant, par exemple, des territoires en difficulté en Seine-Saint-Denis, mais il ne faut pas que nous perdions de vue cet objectif. Nous avons sept ans devant nous mais je pense que c'est un objectif politique essentiel qui conditionne la réussite des Jeux.

Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Il faut simplement que nous nous mettions en ordre de marche après la décision prise à Lima d'attribuer les jeux Olympiques et Paralympiques à Paris, à la France. Cela suppose d'abord, nous y reviendrons, ce que j'appellerai un « paquet législatif et réglementaire » : il faut faire évoluer le droit français à la fois pour satisfaire aux engagements qui ont été pris à l'égard du CIO et pour être prêts pour l'échéance de l'été 2024. C'est pourquoi un projet de loi vous est soumis, dont vous avez pu constater qu'il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnances. Il faudra donc écrire ces textes, ainsi que les décrets d'application ; notre objectif est que, au printemps prochain, cet ensemble soit prêt.

Voilà qui me conduit à évoquer ce qu'on désigne communément par « gouvernance », appellation qui recouvre les institutions qui vont faire vivre la préparation des Jeux. Pendant la phase de candidature, toutes les parties s'étaient réunies autour d'un groupement d'intérêt public, le GIP Paris 2024, qui sera dissous dans quelques semaines puisque, d'une certaine manière, il a atteint son objectif.

Désormais, le COJO, qui sera une association loi de 1901 financée quasi exclusivement sur fonds privés, s'occupera de l'organisation des Jeux eux-mêmes. L'ensemble des partenaires, au premier rang desquels, j'y insiste, le mouvement sportif, a souhaité que des règles d'éthique, de transparence et de contrôle des plus poussées soient appliquées. Le COJO va s'occuper du contenu, c'est-à-dire des Jeux eux-mêmes et de leur préparation, et l'établissement public Solideo va pour sa part s'occuper de la construction ou des améliorations ou des travaux de tous ordres, pour ce qu'on appelle les ouvrages olympiques qui, vous l'avez vu, peuvent être définitifs ou temporaires. De fait, le seul ouvrage vraiment définitif sera un centre aquatique important. Celui-ci doit être conçu – les discussions sont en cours –, bien entendu, pour servir aux épreuves olympiques, mais ensuite pour être mis au service de la Fédération française de natation et de la population de Seine-Saint-Denis – dont je rappelle que c'est le département de France où le nombre de piscines rapportés à la population, notamment la population jeune, est le plus faible. Il doit donc s'agir d'un ouvrage sportif évolutif dont la vocation, de strictement olympique, devra se faire plus large.

La Solideo aura recours à des maîtres d'ouvrage variés et c'est ce qui fait la difficulté de l'exercice. Le fait que les ouvrages doivent être reconvertis après les JO au sein des paysages urbains dans lesquels ils doivent s'insérer nous oblige à travailler, en particulier, avec les établissements publics territoriaux de la Métropole du Grand Paris, gestionnaires de l'aménagement et de l'urbanisation de ces espaces. Il faudra donc passer des conventions, créer des filiales… pour à la fois respecter la présence et l'autorité de l'État qui apportera la majorité des financements mais également intégrer la volonté des collectivités territoriales concernées afin de parvenir à un ensemble le plus harmonieux possible.

Le COJO et la Solideo doivent être installés au cours des six mois suivant la décision de Lima. Notre objectif politique, mesdames et messieurs les députés, est d'être opérationnels avant ce délai puisque nous comptons bien installer ces deux structures en janvier 2018.

Un décret en Conseil d'État est nécessaire pour mettre en place la Solideo : le Conseil d'État vient d'être saisi et nous pouvons raisonnablement penser que le décret sera publié avant le 31 décembre 2017. Vous avez peut-être noté que le Gouvernement avait désigné comme préfigurateur de la Solideo Nicolas Ferrand, ancien directeur général d'un gros établissement public d'aménagement, qui connaît donc très bien ce type de procédure et d'opérations et qui est un habitué du dialogue avec les collectivités territoriales.

Les discussions sont en cours pour définir les statuts du COJO, qui sera une association loi de 1901. Nous travaillons dans le cadre consensuel qui a prévalu à la candidature et fait sa force, tout en rappelant bien que le COJO est l'émanation du mouvement sportif qui aura donc la majorité des voix. Il sera présidé par Tony Estanguet, au travail duquel je tiens à rendre hommage devant vous. Les statuts sont donc en cours de rédaction et je puis vous assurer qu'ils ne sont pas loin d'être achevés. Ils doivent être examinés par le CIO et nous espérons qu'ils pourront être déposés et que le COJO sera officiellement créé au début de l'année prochaine.

Enfin, et vous comprenez pourquoi je termine par ce point, Monsieur le président, l'État s'est lui-même mis en ordre de bataille en instituant une délégation interministérielle. Les députés ici présents savent bien que les jeux Olympiques sont certes un événement sportif – j'en profite pour souligner le rôle essentiel de Laura Flessel, ministre des sports, dans ce dossier – mais c'est aussi une question de sécurité, d'aménagement du territoire, de transport, et évidemment une question financière. Aussi de nombreux ministères vont-ils concourir à ce projet ambitieux et, cela a déjà été le cas pour les derniers jeux Olympiques d'hiver organisés en France, il était normal qu'un délégué interministériel soit nommé pour coordonner l'action des ministères, faire en sorte que l'État parle d'une seule voix et pour que ce dernier, surtout, joue tout son rôle qui, encore une fois, est prédominant dans la construction des ouvrages olympiques puisqu'il en est le financeur majoritaire – vous le constaterez à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances jusqu'en 2024, avec une montée en charge progressive. L'État a également un rôle de facilitateur dans un écosystème comprenant de nombreux acteurs – je les ai déjà mentionnés : le mouvement sportif, les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la ville de Paris – et il doit toujours veiller à ce qu'une certaine harmonie règne de façon que nous puissions arriver à bon port, en temps et en heure.

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