Intervention de Béatrice Brugère

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Béatrice Brugère, secrétaire générale d'Unité magistrats SNM-FO :

Nous sommes pour la suppression des remontées d'informations. Si on se demandait à quoi elles servent, le procès Urvoas y a répondu. Pour être franche, si les remontées d'informations servaient à alimenter les circulaires de politique pénale, vous n'auriez pas beaucoup d'hésitation quant à leur suppression. D'ailleurs, lors des réquisitions au procès de l'ancien garde des Sceaux, le procureur général près la Cour de cassation a fait allusion au fait que ces remontées d'informations pourraient avoir un intérêt quand elles posaient une question de droit nouvelle ou quand on est vraiment confronté à une problématique juridique. De façon extrêmement ponctuelle, extrêmement résiduelle, extrêmement bien encadrée, la remontée d'informations pour la direction des affaires criminelles et des grâces – qui aurait alors une analyse juridique pertinente et pourrait en tenir compte pour faire évoluer la loi – serait intéressante. Mais on n'est pas dans ce schéma.

Les remontées d'informations telles qu'elles ont été définies, c'était « ce que je lâche d'un côté, je le reprends de l'autre », « je lâche les instructions individuelles, mais… » Sur les critères tels qu'ils sont définis, c'est-à-dire aucun, tout est urgent et tout doit remonter. Outre que c'est une charge de travail indue pour les parquets généraux – qui les transforme en scribouillards bureaucrates devant faire en permanence des remontées d'informations – ; outre que c'est l'organisation de la violation du secret de l'enquête et de l'instruction – car il n'y a aucune raison que ces informations remontent – ; outre qu'il y a eu une inflexion de la direction des affaires criminelles et des grâces pour un peu les anonymiser, à la suite du procès Urvoas, ces remontées d'informations n'alimentent en rien une véritable politique pénale. En revanche, si elles ne sont pas réalisées comme le pouvoir le demande, elles font courir un risque disciplinaire. Cela n'a pas encore eu de conséquences, mais ce risque existe. Si vous ne faites pas remonter l'information qui peut devenir urgente parce qu'un média s'en est emparé par exemple – c'est quand même cela, la réalité –, vous pouvez voir votre responsabilité disciplinaire engagée. Donc oui, pour toutes ces raisons, nous sommes absolument favorables à la suppression des remontées d'informations, sauf pour les cas extrêmement spécifiques que j'ai indiqués, qui seraient susceptibles de faire avancer l'intérêt général.

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