Je n'ai pas, dans mon passé récent, eu de telle expérience, mais il est vrai que, quelques années après le début de ma carrière, j'ai été confrontée à ce qu'on peut appeler une pression exercée sur la justice – plus exactement, une pression sur le parquet.
Cet exemple m'a laissé un goût amer : j'étais jeune substitut à Tours et nous avions engagé des poursuites contre un notable, un cadre bancaire, qui organisait des colonies de vacances pendant ses loisirs et qui a été suspecté d'actes de pédophilie. L'information avait réuni un certain nombre de charges, suffisamment sérieuses pour que l'intéressé soit renvoyé devant le tribunal correctionnel. Pendant cette instruction et avant le procès, il y a eu des manifestations de soutien sur la voie publique qui ont pu être extrêmement virulentes, voire violentes, au moins verbalement. Elles s'en prenaient à l'institution judiciaire qui, selon elle, s'en prenait à un notable qui voulait simplement rendre service.
En première instance, cet individu a été relaxé. La logique de la poursuite et la conviction du ministère public auraient imposé que nous fassions appel ; nous n'avons pas eu ce droit, le procureur général de l'époque ayant relayé la question du trouble à l'ordre public soulevé par le pouvoir exécutif pour nous interdire d'exercer cette voie de recours afin d'éviter que ne se tienne un deuxième procès.
Cet exemple m'a inspiré le sentiment que l'institution judiciaire n'avait pas suffisamment résisté et ne s'était pas donné tous les moyens pour parvenir à la vérité.