Intervention de Catherine Champrenault

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Catherine Champrenault :

Je dois d'abord rappeler que ces instructions de poursuite sont rares, si ce n'est exceptionnel. Elles peuvent intervenir en cas de concurrence de compétences entre deux parquets. J'évoque ici une affaire de terrorisme dont j'ai eu à connaître. L'affaire principale, qui portait sur un attentat, était instruite à Paris en vertu d'une compétence exclusive de fait, tandis qu'une affaire connexe, était instruite à Versailles. Il s'agissait du financement d'une filière de terrorisme, qui relevait des instances de Versailles au motif que la victime était dans ce ressort et y avait déposé plainte. La filière faisait l'objet d'une enquête à Paris, tandis qu'une partie du dispositif de financement faisait l'objet d'une instruction à Versailles. Le parquet de Versailles a demandé à se dessaisir de sa partie du dossier au profit du parquet de Paris, lequel opposait un refus, pour ne pas alourdir sa procédure. J'ai considéré qu'il participait d'une bonne administration de la justice de réunir les deux.

Dans un autre registre, en cas de conflit négatif de compétence, nous devons également intervenir. Ainsi, alors que le parquet de Fontainebleau voulait confier une affaire assez complexe de trafic d'armes à la juridiction interrégionale spécialisée de Paris et que cette dernière la refusait, j'ai dû lui donner des instructions de poursuite pour lui forcer la main.

Il existe un troisième cas de figure, très actuel, mais qui reste rare, sur l'orientation de certaines affaires de terrorisme. Il est en effet possible de s'interroger sur le point de savoir si une affaire de terrorisme ouverte avec des qualifications criminelles doit rester ainsi qualifiée et donc être jugée par la cour d'assises ou si elle peut au contraire faire l'objet d'une correctionnalisation. J'ai ainsi pu considérer dans certains dossiers que la gravité des faits et la dangerosité des personnes mises en cause et mises en examen justifiaient que l'on conserve la qualification terroriste ; j'ai donc pris des instructions sur ces qualifications.

Les recours sur classement, pour leur part, remontent à la loi du 9 mars 2004 portant sur l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II ; la loi du 25 juillet 2013 y fait écho. Les recours sur classement, nous en comptons plusieurs centaines par an à Paris, entendent permettre à la victime ou à l'administration de contrôle qui va verbaliser un contrevenant ou un acteur de dépasser le classement du procureur et de demander en quelque sorte un arbitrage du procureur général. Il s'agit d'un filet de sécurité : c'est le double regard. Un parquet peut commettre, en toute bonne foi, des erreurs d'appréciation dans la gestion de masse qu'il doit déployer.

Au parquet général, je dispose d'un service spécifique – qui gère un nombre de procédures important bien que cette importance doive être relativisée au regard de l'étendue géographique du ressort – qui est chargé de revoir la procédure et éventuellement de dire au parquet qu'une affaire classée par lui doit faire l'objet de compléments d'enquête – celle ayant été conduite apparaissant lacunaire – et que le classement, dans ces conditions, ne serait pas compris. Il peut également émettre clairement des instructions de poursuite.

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