Pratiquement tous les magistrats du siège et tous ceux du parquet sont nommés sur proposition de la direction des services judiciaires. Le corps, compte tout de même plus de 8 000 magistrats. En dehors des fonctions de chef de juridiction, de chef de cour et de conseiller à la Cour de cassation, le processus de nomination est lancé par la direction des services judiciaires en fonction des règles statutaires de mobilité et d'avancement. Ces règles disposent, par exemple, que le passage du second au premier grade intervient seulement après sept années d'exercice et que ce passage ne peut pas intervenir sans une mobilité préalable. Une fois au premier grade, il n'est possible de passer hors hiérarchie qu'après avoir occupé deux postes au premier grade, dont, éventuellement, un détachement.
Il convient de conserver à l'esprit qu'en cas d'erreur d'appréciation ou de volonté supposée de la chancellerie de privilégier l'un sur l'autre, les magistrats ont la faculté de formuler des observations et ainsi, d'une certaine façon, de contester auprès du CSM, la proposition de nomination de la DSJ. Il arrive de temps en temps que le CSM rende un avis négatif. Depuis 2012, pour les magistrats du siège, le mouvement est alors automatiquement annulé sans davantage de questionnements. Pour les magistrats du parquet, le ministère retire sa proposition.
Vous m'interrogez en somme sur la manière dont interviennent les avancements. Les magistrats avancent d'abord parce qu'ils le demandent – ce n'est jamais une obligation – et sur la base d'un dossier. Les magistrats doivent en effet être évalués tous les deux ans. Là encore, la procédure est contradictoire. Le responsable hiérarchique direct mène un entretien préalable, demande à son collègue de rédiger une annexe 3 dans laquelle celui-ci expose ses activités. L'entretien préalable est donc suivi des premières évaluations du chef de juridiction, puis d'une deuxième évaluation du chef du parquet général. Il en va de même pour le siège, avec une évaluation par le président puis par le premier président.
L'évaluation offre donc des garanties, d'autant qu'elle peut être contestée, devant la commission d'avancement, devant le tribunal administratif, voire devant la cour administrative d'appel. Dès lors, face à une mauvaise appréciation des qualités du magistrat, celui-ci dispose de recours assez simples à mettre en œuvre. Le processus de nomination s'appuie donc sur des desiderata et sur les évaluations, qui peuvent être demandées par la chancellerie si elles n'ont pas été faites. De temps en temps, un peu de retard peut être pris, mais nous sommes fautifs si nous ne les conduisons pas tous les deux ans. C'est au vu des demandes, des conditions d'ancienneté et de mobilité et, enfin, du dossier, qu'il est possible de prétendre à un avancement.
Globalement, à mon sens, il existe des garanties appréciables contre les biais de subjectivité trop importants dans l'appréciation de la valeur professionnelle des magistrats.
J'ajouterai que le parquet, de première instance ou général, se caractérise par la culture du questionnement. Ses membres promeuvent systématiquement la réflexion collective. Un magistrat en désaccord avec son chef, par voie de conséquence, n'encourt aucune critique. Au contraire, parce que c'est en entendant des points de vue qui peuvent être différents que peut émerger une décision mûrement réfléchie. Un chef de parquet, qui, comme tout chef, a besoin des autres, se doit particulièrement de favoriser la réflexion collective. S'il peut compter sur des ressources un peu atypiques, originales, qui peuvent en un sens déranger – pour peu qu'elles respectent les lois et agissent avec sincérité et conscience –, ce n'est pas un problème.