Intervention de Catherine Champrenault

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Catherine Champrenault :

Effectivement, ma parole est rare, contrairement à celle des procureurs de la République qui, en vertu de l'article 11 du code de procédure pénale, ont la faculté de s'exprimer sur les affaires en cours, s'il s'agit pour eux de prévenir la divulgation d'informations fausses ou inexactes ou d'empêcher un trouble à l'ordre public. Je ne me trouve bien évidemment pas dans cette configuration, puisque, bien qu'exerçant un contrôle, je ne diligente pas l'action publique et ma parole est donc forcément plus restreinte que celle des procureurs de la République. Elle traite d'abord de l'activité juridictionnelle de la cour, non pas au travers d'interviews, mais plutôt au travers de communiqués de presse explicitant nos réquisitions, les décisions de justice, voire les recours par nous exercés.

Je peux également apporter mon soutien aux magistrats injustement attaqués. C'est l'hypothèse à laquelle vous faites allusion. J'ai effectivement pris la parole dans un média pour soutenir publiquement les magistrats et officiers de police qui ont mené des perquisitions dans les locaux du parti qui est le vôtre, monsieur le président. J'estimais qu'ils avaient été injustement malmenés. J'espère que tout un chacun en est désormais conscient.

La question que vous posez est, au fond, celle de savoir si, en cas de mise en cause d'un élu ou d'un parti politique, il convient de recourir d'emblée à un juge d'instruction par le biais de l'ouverture d'une information judiciaire. Le sens de mon propos, même si j'espère des améliorations en matière d'indépendance du parquet afin de rassurer nos concitoyens quant au fait qu'il ne peut y avoir de confusion, est qu'il convient de cesser de se convaincre que les magistrats du parquet sont des magistrats de seconde zone.

Certes, ils ne bénéficient pas totalement du statut particulièrement protecteur des magistrats du siège, mais cela n'en fait pas des magistrats scélérats, seulement dignes d'une demi-confiance ou même d'une confiance un tant soit peu réduite. Il serait injuste de les concevoir autrement. En effet, la déconnexion vis-à-vis du pouvoir exécutif est à mon sens devenue une réalité. Une perquisition menée par un procureur de la République, magistrat assermenté ayant reçu la même formation que les magistrats du siège et qui agit avec les mêmes principes déontologiques et avec la même éthique, est conduite dans les mêmes conditions protectrices.

Je ne crois pas qu'il y ait de différence, d'autant que, dans la plupart des cas, si des perquisitions interviennent dans les locaux d'un parti, elles ont lieu, non pas en flagrant délit, mais dans le cadre d'une enquête préliminaire. À ce titre, elles doivent recevoir l'autorisation d'un juge de la liberté et de la détention (JLD). Les parquetiers et le JLD sont tous soumis au principe d'impartialité et au principe de proportionnalité qui figure désormais dans le code de procédure pénale après n'avoir longtemps résulté que de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour européenne des droits de l'homme.

Ma première réponse est donc que le parquet n'offre pas moins de garanties que le siège. Ses membres sont des magistrats qui agissent à l'instar d'un juge d'instruction, assistés d'officiers de police et, comme ils le souhaitent, dans la sérénité.

Je dois ajouter qu'en procédure pénale, il existe une gradation : une enquête sert d'abord à procéder à des vérifications quant à la nature des faits dénoncés. Dans le cas que vous avez évoqué, vous savez qu'il existait deux sources de signalement. Il est donc possible de considérer que cette graduation doit être respectée et que le parquet peut être protecteur lorsqu'il décide d'une première perquisition qui pourrait révéler une absence totale d'infraction. Cela évite l'ouverture d'une information, laquelle constitue toujours une étape supplémentaire dans la mise en cause : dans l'esprit du public, lorsqu'un juge d'instruction est désigné, c'est qu'il existe des charges importantes à l'encontre de la personne inquiétée.

Finalement, j'ignore si le fait de soumettre les poursuites contre tous les responsables politiques, sous prétexte de plus grandes garanties, à une information judiciaire préalable serait une bonne chose. Il existe des affaires dénoncées contre des responsables politiques et autres acteurs majeurs de la vie politique, publique ou économique, qui en restent au stade de l'enquête ou du classement. Faut-il maximaliser la réponse judiciaire et les moyens déployés alors qu'existe toujours la possibilité que les dénonciateurs se soient fourvoyés ou aient mal interprété les faits ? Je ne suis pas certaine que cela rendrait service aux acteurs de la vie politique.

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