Intervention de Catherine Champrenault

Réunion du jeudi 6 février 2020 à 16h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Catherine Champrenault :

J'ai été entendue spécifiquement par l'Assemblée nationale en juin 2018 au sujet du projet de loi supprimant la CJR et la remplaçant par un autre dispositif. Je m'y réfère donc.

Le sens de l'histoire n'est plus au privilège de juridiction ni aux juridictions d'exception. Ces concepts, lorsqu'ils sont mis en œuvre, favorisent le soupçon chez le citoyen. S'agissant de la CJR, il est possible d'être plus précis et d'évoquer un soupçon de corporatisme, puisque cette juridiction compte en son sein douze parlementaires qui pourraient être tentés d'être bienveillants vis-à-vis de ministres ayant eux-mêmes été parlementaires auparavant. Il s'agit d'un premier écueil.

Le deuxième tient à la différence de temporalité des deux procédures, entre le droit commun et le volet ministériel impliquant la commission des requêtes et le cas échéant la Cour de Justice de la République. Ainsi, l'examen du sort réservé aux protagonistes de l'affaire Tapie montre que Christine Lagarde a été jugée en 2016, avec une déclaration de culpabilité, tandis que le volet non ministériel n'a été évoqué qu'en juin 2019. Trois années se sont écoulées entre les deux, ce qui pose problème.

Loin d'être idéale, cette juridiction présente donc des inconvénients, même si je ne remets pas en doute le fond de ses appréciations.

Le projet de loi constitutionnelle déposé entendait substituer la cour d'appel de Paris à la CJR pour connaître des seuls actes accomplis par des ministres dans l'exercice de leurs fonctions, à l'exception des actes détachables. Ce projet présentait l'intérêt d'intégrer la jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui est appréciable, et de substituer une juridiction de droit commun à une juridiction d'exception. Cette avancée était aussi appréciable.

Pour autant, je ne suis pas certaine que nous aurions ainsi mené la logique à son terme. En effet, la dualité entre le volet ministériel et le volet non ministériel est maintenue. Par ailleurs, porter l'affaire directement devant la cour d'appel revient à priver la personne mise en cause du double degré de juridiction. Certes, le droit de revoir un jugement qui ne satisfait pas un citoyen n'implique pas nécessairement le droit d'être de nouveau jugé au fond. Il est admis qu'un pourvoi en cassation constitue un recours garantissant au citoyen le droit de double regard. Il reste que le pourvoi en cassation n'est pas l'appel, la Cour de cassation ne statuant que sur le droit et pas sur le fond. Il est peut-être regrettable que nous n'allions pas jusqu'au bout et que nous ne fassions pas confiance à l'organisation classique de l'institution judiciaire pour juger les membres du gouvernement.

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