Intervention de Katia Dubreuil

Réunion du mercredi 12 février 2020 à 15h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature :

Nous sommes opposés aux remontées d'informations. Les critères fixés dans la circulaire de 2014, à la suite de la loi de 2013, sont extrêmement larges et incluent toutes les affaires susceptibles d'être médiatisées.

Vous disiez que, pour certains faits divers, le garde des Sceaux devait rassurer la population. Il nous paraît plus important de rassurer la population quant à l'absence de traitement différencié des affaires judiciaires. Par ailleurs, les procureurs de la République ont le droit de s'exprimer, en vertu de l'article 11 du code de procédure pénale. C'est ainsi que l'on a vu le procureur de la République de Paris le faire abondamment au moment des attentats.

Il conviendrait par ailleurs que l'ordonnance de 1958 prévoie des règles claires de roulement. Ce n'est pas ce qui passe. La pratique actuelle est infantilisante dans les parquets où un substitut du procureur de la République est conduit à faire relire et corriger ses réquisitoires définitifs par le procureur. Pourtant, la Cour de cassation définit le substitut du procureur comme un magistrat qui tient des pouvoirs de sa propre personne et non par simple délégation de ceux du procureur. Le procureur dispose du pouvoir hiérarchique et peut tout à fait considérer que la décision du substitut ne lui convient pas. Nous souhaitons cependant que cela soit transparent et inscrit dans le dossier.

S'agissant de la contre-circulaire, je rappelle qu'il existe une hiérarchie des normes. Le juge n'applique pas uniquement la loi votée, mais aussi la Constitution, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), etc. C'est ainsi que les droits de la garde à vue ont évolué en 2014. Certains juges se sont appuyés sur la jurisprudence de la CEDH, qui prévoit la présence des avocats dès la première heure de la garde à vue et un droit au silence. C'est un des cas où l'indépendance de la justice a été malmenée puisque des officiers de police judiciaire ont refusé d'appliquer les instructions des juges. Les juges ont fait le choix de faire primer la convention européenne des droits de l'homme sur la loi nationale et la Cour de cassation a ensuite validé cette interprétation avant qu'elle ne soit finalement inscrite dans la loi. Le contenu de notre contre-circulaire – ce terme caractérise bien notre côté frondeur – est tout à fait dans les règles.

Enfin, notre syndicat n'avait pas appelé à voter pour un candidat mais contre un candidat. L'autre syndicat de magistrats, l'Union syndicale des magistrats avait qualifié le quinquennat de Nicolas Sarkozy « d'heures sombres ». Nous n'étions pas l'unique syndicat de magistrats à considérer que l'action menée pour la justice pendant ces années était une véritable calamité et qu'il fallait absolument en sortir. Le syndicat de la magistrature n'a pas pour habitude de donner ses consignes de vote. C'était une situation particulière qui nous avait amenés à cette prise de position.

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