Je suis ancien bâtonnier de Bordeaux et les avocats provinciaux n'ont pas les dossiers qui leur permettraient de s'exprimer sur l'indépendance à l'égard du pouvoir politique. En revanche, nous avons des exemples relatifs à l'indépendance vis-à-vis de la hiérarchie judiciaire.
Je pense à ce premier président qui a été le premier à motiver les arrêts de cour d'assises. Jusqu'à une loi très récente, les décisions de cour d'assises, les plus graves, n'étaient pas motivées. On pouvait être condamné à perpétuité sans savoir pourquoi ! Les motivations de ce président alourdissaient le travail du greffe et gênaient ses collègues qui ne motivaient pas leurs décisions. Quand ce président en fin d'année, est allé voir son président de cour pour discuter de son affectation celui-ci lui a annoncé, puisqu'il aimait motiver les arrêts et les décisions, qu'il quittait la cour d'assises pour rejoindre la chambre sociale. La mutation est ici un élément cynique d'atteinte à l'indépendance du magistrat en le dirigeant vers une chambre où la motivation des décisions, en raison des contrôles de la Cour de cassation, représente une corvée pour les magistrats.
L'indépendance est un sujet tabou et peu évoqué entre les magistrats et les avocats. Peut-être, dans quelques années, aurons-nous aussi beaucoup de confessions de magistrats comparables à celles du mouvement MeeToo. Dans l'immédiat, nous les connaissons peu et pouvons donc difficilement témoigner.