Pour les magistrats du siège, les règles de mobilité sont assez protectrices. Ils restent en poste plusieurs années, mais quand l'échéance arrive on peut les déplacer. On peut d'ailleurs parfois ainsi se priver de compétences.
Je pense qu'il y a beaucoup d'autocensure chez les magistrats. Mon sentiment personnel – je ne parle pas au nom du CNB – est que les juges se posent parfois des questions qu'ils n'ont pas à se poser. La jurisprudence prend de plus en plus de place en matière judiciaire, alors que nous sommes dans un pays de codes et non dans un pays de common law. Pourtant, de plus en plus, il faut fournir des quantités de jurisprudences pour expliquer des textes qui parfois sont extrêmement clairs. Ceci fait que l'on est de plus en plus sous l' imperium du juge qui s'assure de ne pas engager la puissance publique alors qu'il devrait, me semble-t-il, rendre une décision en droit.
Nous, avocats en justice civile, sommes fautifs, par exemple, si nos argumentations sont bancales. Le juge ne peut pas aller au-delà de ce qui lui est soumis. Je dirais que 90 %, voire 95 %, de la décision nous est imputable à nous, avocats. Cela plaide en faveur d'un travail étroit entre magistrats et avocats.
Une seule école pour les avocats et les magistrats pourrait être une solution. Dans certains pays, pour devenir magistrat du siège il faut avoir été avocat plusieurs années. C'était d'ailleurs le cas avant l'École nationale de la magistrature. Être un jour procureur – c'est-à-dire l'avocat de la République – et être le lendemain, comme aux États-Unis ou en Angleterre, avocat d'une des parties, ne me semble pas dénué de sens.