Intervention de Joël Giraud

Réunion du mardi 28 novembre 2017 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général :

Comme l'a rappelé le président, nous examinons aujourd'hui le second projet de décret d'avance, qui nous a été notifié par le Gouvernement le 21 novembre dernier, et qui prévoit l'annulation de crédits à hauteur de 853 millions d'euros en autorisations d'engagement et 843 millions d'euros en crédits de paiement.

En cumulant ces sommes avec les montants ouverts et annulés lors du décret d'avance pris le 20 juillet dernier, nous arrivons à un montant de 3,66 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,88 milliards d'euros en crédits de paiement. Cela représente un niveau inédit de mouvements en crédits de paiement, via des décrets d'avance. À titre de comparaison, la moyenne des mouvements annuels de crédits de paiement par décrets d'avance s'élevait à 1,77 milliard d'euros sur la période 2007-2016.

Sur la même période, chaque décret d'avance procédait en moyenne à des mouvements à hauteur de 0,86 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 0,74 milliard d'euros en crédits de paiement. Ce décret d'avance est donc dans la moyenne des décrets d'avance que nous avons eu l'habitude d'examiner. Le décret d'avance exceptionnel est celui pris le 20 juillet dernier, dans des circonstances que nous n'avons pas besoin de rappeler, et qui visait à respecter notre objectif de dépenses et de réduction du déficit public à moins de 3 % du PIB dès 2017.

Ces éléments ayant été précisés, nous examinons ce décret d'avance conformément à l'article 13 de la LOLF, qui subordonne la signature de tels décrets par le Premier ministre à l'avis des commissions des finances des deux assemblées. Celles-doivent faire connaître leur avis dans un délai de sept jours après notification du projet de décret.

Ce projet de décret d'avance prévoit l'ouverture de crédits en faveur de neuf missions du budget général, à hauteur de 853 millions d'euros en autorisations d'engagement et 843 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces ouvertures de crédits ont pour objet de financer à titre principal, les dépenses de personnel du ministère de l'éducation nationale ; les surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et intérieures (OPINT) du ministère des armées ; les dépenses au titre de l'hébergement d'urgence, dans un contexte de crise migratoire ; les dépenses liées à l'épisode cyclonique Irma et aux dépenses des contentieux relevant du ministère de l'intérieur ; les dépenses de personnel du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, au titre de la variation de l'effet change-prix sur l'indemnité de résidence à l'étranger versée aux agents ; les dépenses de personnel du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, au titre de la gestion de la crise sanitaire de l'influenza aviaire et du traitement des aides de la PAC 2016, qui souffrait d'un important retard, lequel a dû être comblé par des moyens supplémentaires ; les dépenses de personnel enfin du ministère de la culture.

Parallèlement, ce projet de décret d'avance prévoit une annulation d'un montant équivalent sur les crédits de vingt-cinq missions et soixante-quatre programmes du budget général, soit un niveau moyen d'annulation par mission de 34,1 millions d'euros en AE et de 33,7 millions d'euros en CP.

Les annulations les plus significatives portent sur les missions suivantes : la mission Travail et emploi , notamment du fait de l'arrêt de la prime à l'embauche pour les PME au 30 juin dernier et non au 31 décembre 2017, comme cela était prévu dans la loi de finances pour 2017 ; la mission Justice, du fait d'une sous-consommation de l'aide juridictionnelle, de crédits d'investissement et de crédits de fonctionnement ; la mission Recherche et enseignement supérieur, du fait de crédits devenus sans emploi compte tenu des prévisions d'exécution ; la mission Engagements financiers de l'État, du fait d'une sous-consommation des primes d'État relatives aux plans d'épargne logement (PEL) et aux comptes d'épargne logement (CEL) ; la mission Enseignement scolaire, du fait du retour à la semaine de quatre jours par un certain nombre de communes dès la rentrée 2017, ce qui a généré des économies sur le Fonds de soutien aux activités périscolaires. Ce décret d'avance n'a donc pas d'impact sur l'équilibre budgétaire.

De nouveau, la grande majorité – 84 % – des annulations de crédits portent sur des crédits qui étaient mis en réserve, c'est-à-dire indisponibles pour les responsables de programme des ministères concernés. Dès lors, ces crédits n'avaient pas de destination précise, ils n'étaient pas fléchés vers une dépense spécifique, mais étaient conservés à des fins de régulation budgétaire – une baisse de la dépense, par exemple – ou afin de faire face à la survenance d'aléas.

Je vous propose d'examiner, comme il nous revient de le faire pour étayer notre avis, la conformité de ce décret aux règles prévues par la LOLF.

En premier lieu, les plafonds d'ouverture et d'annulation de crédits fixés par la LOLF – soit, pour les ouvertures, moins de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et, pour les annulations, moins de 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances initiale et lois de finances rectificatives – sont-ils respectés ? En l'espèce, ils le sont, puisque les ouvertures de crédits prévues par le projet de décret, cumulées à celles du premier décret d'avance, correspondent à 0,56 % des autorisations d'engagement et à 0,61 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances pour 2017.

Les annulations de crédits prévues par décret d'avance ou d'annulation s'élèvent à 0,69 % des crédits ouverts en autorisations d'engagement et à 0,66 % en crédits de paiement.

En second lieu, y a-t-il « urgence » à ouvrir ces crédits ? Il y a urgence manifeste à ouvrir ces crédits au regard des dépenses de personnel à assumer et de l'imminence de la liquidation des paies du mois de décembre ; des opérations extérieures et intérieures en cours ; du contexte migratoire et des tensions sur le parc d'hébergement d'urgence ; des dépenses urgentes enfin, liées à l'épisode cyclonique Irma.

La proposition d'avis qui vous est soumise reprend, de manière formelle, les observations que je viens de faire, en détaillant précisément les mouvements de crédits proposés pour chacun des ministères concernés. L'examen rapide par notre commission du présent avis permet de respecter le délai de sept jours dont nous disposons pour faire connaître notre avis au Premier ministre à compter de la date de notification du projet de décret. Par conséquent, je vous propose d'adopter la proposition d'avis sur le projet de décret d'avance que je vous ai soumise.

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