Intervention de Dominique Pauthe

Réunion du jeudi 28 mai 2020 à 11h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Dominique Pauthe, président de la Cour de justice de la République :

Nous sommes à la croisée des chemins. Les membres du Gouvernement sont responsables pénalement devant une juridiction d'exception : on sort du droit commun et de son régime procédural. Le système, tel qu'il a été élaboré par le constituant en 1993, repose sur l'idée que les faits commis, eu égard à la personnalité de leurs auteurs et aux circonstances de leur commission, relèvent d'une formation particulière faisant intervenir le politique, mais cette conception est aujourd'hui remise en cause.

Si l'on considère, pour les raisons qui ont été évoquées précédemment, qu'il faut tout rassembler dans un même contentieux, je ne vois pas ce qui s'opposerait à ce que le peuple, s'agissant d'une procédure concernant des faits commis par des membres du Gouvernement, dans le cadre de leurs fonctions ou en dehors de celles-ci, puisse intervenir d'une manière ponctuelle ou partielle, selon des modalités à définir.

Néanmoins, j'appelle votre attention sur le fait que la Cour de justice de la République est compétente aussi bien en matière criminelle que délictuelle. Si un nouveau système est adopté, y aura-t-il une uniformisation ? Si on se cale sur la procédure des assises, les citoyens pourront entrer dans la juridiction ; sinon, on en restera, sous réserve d'un éventuel échevinage, à une juridiction composée de magistrats professionnels.

Le système actuel, qui privilégie le politique par rapport au judiciaire, n'est pas forcément la solution la plus représentative, si je puis dire, de l'action pénale.

J'ai eu à juger des ministres, des premiers ministres et d'anciens présidents de la République en tant que juge de droit commun. Pourquoi considérer – mais c'est une question qui relève de la Constitution – que le juge de droit commun est compétent pour juger ces personnes lorsqu'une infraction n'est pas directement liée à l'action gouvernementale et qu'il ne l'est plus dès lors qu'on a franchi, en quelque sorte, le Rubicon ? La compétence judiciaire forme un tout. Le fractionnement actuel, ou le sur-mesure, est difficile à admettre.

Je suis loin d'être défavorable à l'échevinage, compte tenu de la nature particulière des situations. Nous constatons, en tant que juges de droit commun, que notre connaissance de l'action gouvernementale a ses limites. Il peut donc être utile d'avoir des avis extérieurs. La structure actuellement retenue me paraît cependant disproportionnée : il me semble qu'elle donne au judiciaire une part un peu inférieure à ce qu'il mérite.

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