Intervention de Didier Paris

Réunion du jeudi 28 mai 2020 à 11h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris, rapporteur :

Ce débat est passionnant, mais un peu étrange, car il est presque à front renversé. Nous sommes nombreux au Parlement, et depuis longtemps, à souhaiter une suppression pure et simple de la Cour de justice de la République, tout en gardant une forme de filtre pour éviter que le monde politique soit totalement paralysé.

Vous avez présenté la situation d'une manière très pédagogique, ce qui est très utile car cette audition est filmée : cela permettra à nos concitoyens de mieux comprendre la nature et le positionnement de la Cour de justice, qui fait l'objet de nombreux fantasmes. Elle se trouve à la jonction entre le politique, la logique de la chose publique et l'égalitarisme.

Vous n'avez pas caché vos critiques envers votre propre institution – ce n'est pas toujours ce que nous observons lors de nos auditions –, ce qui vous a conduits à évoquer des pistes d'évolution.

Je retiens que le reproche de lenteur mérite d'être nuancé. L'affaire Karachi remonte à 1995, mais la Cour n'est pas saisie depuis cette date, et on a vu récemment, dans l'affaire Urvoas, que sa lenteur pouvait être toute relative. Un délai trop important entre la commission des faits et la phase de jugement peut néanmoins susciter des soupçons dans l'opinion publique, prompte à imaginer qu'il pourrait y avoir un loup quelque part.

La problématique des recours et des appels est essentielle. Même s'il s'agit d'une juridiction d'exception, il n'y a guère de raisons d'affaiblir les droits de la défense ou la mise en œuvre de l'action publique.

L'impossibilité de se constituer partie civile et de déclencher l'action publique par cette voie, centrale dans notre droit, pose également question.

Merci d'avoir donné des éléments chiffrés. Avez-vous le sentiment, monsieur Pers – mais vous n'êtes pas tenu de répondre à cette question –, que la commission des requêtes a rejeté des demandes qu'il aurait mieux valu accepter ou qui sont ensuite revenues ?

Vous n'avez pas évoqué les médias et le regard public. Souhaitez-vous vous exprimer sur ce point ?

Vous avez en partie rectifié une de vos assertions à propos de l'indépendance des magistrats, madame Drai. Je crois que vous pourriez apporter quelques explications complémentaires. Notre commission d'enquête concerne précisément la question de l'indépendance que vous avez évoquée.

Nous venons d'étendre l'expérimentation relative aux cours criminelles départementales. Pourrait-on suivre la même logique s'agissant des ministres, c'est-à-dire faire une distinction selon la gravité des infractions ? J'ajoute qu'il existe des cours d'assises spéciales, notamment pour les affaires de terrorisme. Diverses possibilités existent en fonction du type de l'infraction et du quantum de la peine encourue.

J'ai siégé à la Cour de justice de la République, sous la présidence de M. Parlos, ce qui a été une expérience passionnante pour moi, qui suis à l'origine un magistrat de l'ordre judiciaire. J'ai été frappé par le poids du politique dans le jugement.

L'affaire Karachi, si elle arrive devant la Cour, risque de poser une vraie difficulté pour les parlementaires qui en sont membres. Nous avons passé une semaine sur l'affaire Urvoas, alors qu'un dossier de cette nature aurait pris beaucoup moins de temps en correctionnelle. L'affaire Karachi, qui est d'une complexité extrême, pourrait prendre des mois. J'aurais beaucoup de mal, personnellement, à assurer une présence constante à moins d'abandonner complètement mon action parlementaire.

Enfin, je voudrais saluer la mémoire de Claude Goasguen, décédé ce matin des suites du covid-19.

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