Intervention de Chantal Arens

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 17h00
Commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation :

L'ENM a été assez pionnière en développant des classes préparatoires peu onéreuses, pour permettre à des étudiants d'origine modeste de préparer dans de bonnes conditions le concours de la magistrature – ce qui permet l'ouverture de cette dernière. C'est le cas à Paris, Bordeaux et Douai. Cela pourrait être étendu, pas dans le sens du rapport Thiriez qui prône des classes préparatoires communes pour tous les concours, mais spécifiquement pour celui de la magistrature.

Désormais, la moitié des magistrats sont issus d'autres voies que le concours externe. C'est une ouverture. En 2019, près de 34 % des lauréats du concours externe pour les étudiants étaient boursiers. Ce sont des évolutions très fortes, qui n'existaient pas il y a encore quelques années.

Par ailleurs, je précise que le défaut d'attractivité des postes de chef de juridiction s'observe seulement depuis cinq ans. Il me semble que les causes sont multiples, et qu'il existe un fait générationnel. De jeunes magistrats très mobiles ne se projettent pas dans certaines fonctions. À l'exception des dix plus gros tribunaux de France, les chefs de juridiction n'ont ni secrétaire ni équipe. Cela signifie qu'ils travaillent toute la journée sur des dossiers et exercent leurs fonctions administratives le soir. C'est un véritable problème, qui peut entraîner une désaffection. Et je n'aborde même pas les questions matérielles, la suppression des logements de fonction ou l'absence d'harmonisation avec la carrière du conjoint. Il y a quelques années, le poste de chef de juridiction était très honorifique. Aujourd'hui, c'est moins le cas et les responsabilités sont très nombreuses – sans nécessairement la reconnaissance correspondante.

L'ENM a développé des formations pour la hiérarchie intermédiaire, mais je pense qu'il faut aller plus loin puisque ceux qui exercent ces responsabilités ont vocation à devenir chefs de juridiction. Là encore, cela renvoie à la taille des juridictions : quand il y a neuf magistrats au siège, avoir un chef de service pour le tribunal pour enfants et un autre pour l'application des peines implique d'être responsable de deux fonctionnaires. En l'occurrence, un certain nombre de juridictions sont dans cette situation.

Le rapport Thiriez propose, en effet, une sorte d'École de guerre. L'idée peut être intéressante, mais elle ne saurait lier le CSM : ce n'est pas parce que l'on aurait suivi cette école que l'on aurait les aptitudes humaines requises. Outre les compétences, des qualités humaines sont indispensables. Or les diplômes ne sont pas nécessairement un gage en la matière. Au sein de l'ENM, plusieurs magistrats candidatent pour suivre le CADEJ, cycle approfondi d'études judiciaires, puis pour être chef de juridiction. Développer ces formations est intéressant, au même titre que les échanges avec d'autres corps pour ne pas uniquement avoir une vision « magistrature ». Ainsi, à l'ENM, certaines formations sont ouvertes à d'autres corps. C'est très intéressant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.